#Cinéma "Coma". Vision pessimiste de Bertrand Bonello de l’avenir de l’humanité



Synopsis
Une adolescente a un pouvoir, celui de nous faire entrer dans ses rêves. Mais aussi dans ses cauchemars. Enfermée dans sa chambre, son seul rapport au monde extérieur est virtuel. Elle navigue entre fiction et réalité, guidée par une youtubeuse inquiétante et mystérieuse, Patricia Coma.

Note 3,5/5. Film esthétisant, inventif, parfois cynique, très libre, au total très sombre. Il joue avec différentes formes : dessin animé, poupées animées dans un espace 3D. 
Après le trouble imparfait de Nocturama Bonello revient avec une mise en forme épurée.  A travers l’évocation du confinement de 2020, la météo apocalyptique (« De toutes manières, comme vous ne pouvez pas sortir de chez vous, ceci n’est pas bien grave »), la perte de valeurs fondamentales (inceste fraternel de poupées "barbies"), Bertrand Bonello distille une angoisse ; celle d’un futur enfermement de l’humanité qu'imposeraient le réchauffement climatique ou/et des virus, c’est à dire …. un coma.

Coma de Bertrand Bonello
Entretien avec Bertrand Bonello (extraits de l’entretien réalisé par Emmanuel Burdeau, juillet 2022)
À l’origine de coma il y a un court métrage réalisé pendant le premier confinement.
Au printemps 2020, la Fondation Prada a passé commande à un certain nombre de cinéastes d’un court métrage dont le thème pouvait se résumer ainsi : comment faire un film sans tourner ? Ce qui appelait évidemment à une réflexion sur l’archive, qui était passionnante mais vertigineuse, en terme de possibilités. J’ai eu l’idée d’y répondre sous la forme d’une lettre adressée à ma fille Anna, âgée de 18 ans, et adressée au-delà d’elle à la jeunesse contemporaine. J’ai utilisé des images de NOCTURAMA (2016), dans lesquelles j’ai zoomé. Cela m’a semblé faire sens, NOCTURAMA étant déjà un film sur la jeunesse.
Il se trouve que ce court métrage a suscité de nombreux retours émus. J’ai donc eu l’envie de le prolonger. Et comme le film qui devait alors être mon prochain était décalé d’un an et qu’il s’agit d’un lourd projet, j’ai voulu faire un film de manière différente, plus libre, en collaboration avec le producteur Justin Taurand. Ce court métrage, LA PREMIÈRE LETTRE À MA FILLE, est donc devenu le prologue de COMA.

Coma de Bertrand Bonello
Vous avez toujours aimé alterner les économies, ce qui est rare et sans doute de plus en plus difficile. Comment réalise-t-on en 2022 un long métrage avec aussi peu de moyens ?
D’abord en ne demandant l’autorisation à personne, en ne passant pas par le circuit habituel des commissions… Mais surtout il faut d’emblée concevoir le film dans cette économie. Je l’ai toujours dit et répété : projet esthétique et projet économique sont inséparables. En l’occurrence, j’ai imaginé plusieurs dispositifs qui, tout en étant légers, me permettaient de dire et de faire passer de nombreuses choses : une chaîne YouTube, des poupées animées en 3D, un dessin animé, un Zoom, des FaceTime, des scènes tournées en mini DV, des images internet… Pour le reste, COMA a essentiellement été fait chez moi, au début du printemps de l’année dernière. Tout est allé très vite : le scénario a été écrit en janvier, la préparation s’est faite en février et mars, puis nous avons tourné 12 jours d’affilée en avril. Ensuite nous avons monté pendant trois semaines. Après quoi il a fallu faire une pause de trois mois, le temps que les animateurs travaillent. Et une fois leur travail accompli, le montage a pu être fini. Au fond c’est exactement la même logique qu’un film classique, à ceci près que tout se fait en taille réduite.
Coma de Bertrand Bonello
COMA évoque des thèmes graves, et pourtant c’est un film très plaisant, dans lequel est constamment palpable une véritable joie liée à la fabrication même, au plaisir de faire du cinéma.
Le processus a en effet été très joyeux du début à la fin. Lorsque Julia Faure présente COMA en public, elle dit volontiers qu’en le faisant, elle a eu l’impression de revenir à l’origine du cinéma. COMA parle de choses désespérées, voire atroces, avec une certaine drôlerie. Dans aucun autre de mes films il n’y a autant d’humour. J’ai entendu des salles rire, aussi bien au Festival de Berlin que pendant le Champs-Elysées Film Festival. Cela ne m’était jamais arrivé. Certains dispositifs, comme la chaine YouTube ou l’animation, permettent un premier degré et une manière de dialoguer qu’on ne pourrait pas faire dans des scènes classiques. Je tenais à cet humour, comme je tenais à ce que le film ait un côté très « pop », voire sexy, malgré la tonalité sombre de ce qu’il raconte.

Distribution
Louise Labeque
Julia Faure
Avec les voix de
Laetita Casta
Gaspard Ulliel
Anaïs Demoustier
Vincent Lacoste
Louis Garrel.

Sortie le 16 novembre

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