#Cinéma « Le Serment de Pamfir » Un premier long métrage flamboyant du réalisateur ukrainien Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk
Synopsis
Dans une région rurale aux confins de l’Ukraine, Pamfir, véritable force de la nature, retrouve femme et enfant après de longs mois d’absence. Lorsque son fils se trouve mêlé à un incendie criminel, Pamfir se voit contraint de réparer le préjudice. Mais devant les sommes en jeu, il n’a d’autre choix que de renouer avec son passé ...
Note 4/5. Un film flamboyant, à la fois thriller, chronique familiale dans une Ukraine pauvre et corrompue, et critique de la religion. On se laisse emporter dans cette épopée riche, puissante et sauvage, dans le tourbillon des aventures de l’hercule Pamfir, et dans le carnaval de La Malanka, fête traditionnelle ukrainienne.
Le Serment de Pamfir Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk |
Entretien avec Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk
Comment est né Pamfir ?
Le scénario de Pamfir est l’aboutissement d’une évolution dans mon parcours. Mon film de fin d’études, Krasna Malanka, s’attachait à ceux qui préparaient le carnaval de Malanka. Par la suite, j’ai réalisé en coproduction avec la Roumanie un court-métrage documentaire, Intersection. Ces deux films ont été tournés dans une zone frontalière méconnue, entre l’Ukraine et la Roumanie. Beaucoup de choses y demeurent «hors normes»,en particulier la pratique de la contrebande, sur laquelle j’ai recueilli de nombreux témoignages hors champ, au cours des conversations avec des hommes jeunes et moins jeunes qui ont basculé dans le trafic. À travers l’histoire de Pamfir, je voulais au départ aborder la question de l’émigration ukrainienne et du gouffre qui sépare l’Ukraine et l’Union Européenne. Parallèlement, je souhaitais raconter l’histoire d’un homme ordinaire poussé au désespoir, qui, en tentant de préserver son monde idéal, transgresse tout un ensemble de règles morales et de lois. Et qui, au prix de sa vie, offre un avenir meilleur à son fils. C’est donc l’histoire d’un homme honnête qui devient une bête, mais aussi une histoire d’amour, tendre et cruelle à la fois.
Peut-on comparer votre film à une tragédie grecque transposée dans le contexte ukrainien ?
Par son genre, Pamfir est un drame, où le mythe biblique d’Abraham se rejoue selon les codes de la tragédie grecque sur fond du fameux carnaval ukrainien de Malanka. Il y a six personnages principaux dans le film dont Pamfir est la f igure centrale. C’est lui qui déclenche les événements en chaîne. L’histoire se concentre en premier lieu sur les rapports au sein de la famille de Pamfir notamment sa relation avec sa femme Olena et son fils Naza, ainsi que sa mère et son frère Viktor. Mais c’est avant tout de son conflit avec son père dont il est question. Comme dans une intrigue policière, chaque scène nous en apprend davantage sur les raisons de ce conflit et déroule l’enchevêtrement des rapports familiaux. La toile de fond des événements reste le trafic de contrebande, l’univers du village et le carnaval de Malanka. Pour moi, reproduire à l’écran une réalité singulière est d’une importance capitale. Ma mission, en tant que réalisateur, consiste à concevoir un film axé sur l’action, avec un minimum de dialogues, reposant sur une histoire universelle, accessible et émouvante pour tous les spectatrices et spectateurs. Il s’agit d’incarner la psychologie de personnages complexes et multiples, dont les décisions et les situations sont paradoxales
Le Serment de Pamfir Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk |
Le Tchernivtsi est une région au carrefour de toutes les cultures qu’on ne peut trouver que dans une zone frontalière. Il y a là des Roumains, des Moldaves, des Arméniens et d’autres nationalités y sont aussi représentées.
C’est une sorte de tour de Babel. Elle est emblématique des zones frontalières : c’est un mélange de cultures, un croisement de plusieurs nationalités, un syncrétisme religieux. Cette diversité des croyances est très répandue dans les régions montagneuses : les habitants croient en Dieu et en la Sainte Trinité tout en obéissant à des rites païens ou en consultant des voyants. Cette dualité faisait partie intégrante de mon quotidien quand j’étais enfant : lorsque j’étais malade, on m’emmenait non seulement voir un médecin, mais aussi une voyante. Cela m’a beaucoup marqué et a largement guidé le choix du sujet de mon film, de son contexte géographique et de l’origine des personnages principaux.
Le film croise lui-même plusieurs genres, du western au film noir. Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Avec mon chef-opérateur, on n’avait qu’une seule référence. Je lui ai demandé de regarder les toiles du Caravage et de les garder en tête. Je lui ai aussi demandé d’être audacieux dans le choix des couleurs. Nous avions notre propre palette chromatique.
Pamfir est une histoire familiale : elle est chatoyante, avec des couleurs extrêmement chaudes et riches. En écrivant le scénario, j’ai intégré certains codes propres à ces genres. Par exemple, celui du retour d’un protagoniste dans un lieu de son passé où il n’a plus sa place, qui est un thème classique du western. J’ai cherché à croiser les genres, mais comme j’avais envie de jouer avec les codes, je ne me suis fixé aucune limite. J’ai déambulé dans un labyrinthe de genres, dans le scénario et à l’image, pour me concentrer sur le sens davantage que sur la forme.
Le Serment de Pamfir Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk |
En travaillant sur le style, j’ai pris conscience qu’il fallait que je crée une mythologie et que je pouvais m’appuyer sur le recours au genre. Le croisement des genres m’a intéressé et je n’avais pas envie de m’en tenir à une référence uniquement. Néanmoins, je peux évoquer certaines métaphores. La Malanka est une métaphore de La chute d’Icare de Bruegel l’Ancien qui, d’ailleurs, est une illustration du proverbe « Aucune charrue ne s’arrête pour un homme qui meurt ». Au premier plan, on voit que la vie continue normalement, tandis qu’à l’arrière plan, une tragédie se produit, mais elle devient secondaire dans ce contexte.
Distribution
Oleksandr Yatsentyuk (Pamfir),
Stanislav Potyak (Nazar),
Solomiya Kyrylova (Olena),
Olena Khokhlatkina (Mère),
Myroslav Makoviychuk (Père),
Ivan Sharan (Frère)
Sortie le 2 novembre
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