Fantastique exposition "CinéMode par Jean Paul Gaultier" à la Cinémathèque de Paris du 6 octobre au 16 janvier

CinéMode par Jean Paul Gaultier


Les robes de Marilyn Monroe, d'Audrey Hepburn ou de Catherine Deneuve, le vestiaire masculin de Marlene Dietrich ou le short de Rocky, et même le justaucorps de Superman, costumes et haute couture s’exposent à la Cinémathèque française, dans un parcours tout en velours, métal et broderies, imaginé par le couturier cinéphile Jean Paul Gaultier. Un voyage à travers les genres et les styles, une histoire croisée du cinéma et de la mode, où grands couturiers et stars de cinéma se côtoient le temps d’un somptueux défilé.


Jean Paul Gaultier © Capucine Henry


JEAN PAUL GAULTIER EN MODE CINÉMA
Funny Face, Marlene Dietrich, Yves Saint Laurent : certains films, quelques comédiens et couturiers renommés nous rappellent immédiatement ce que le cinéma et la mode ont pu engendrer en termes de collaborations fécondes, de magie, de renouveau des corps et de leurs images. Jean Paul Gaultier fait partie de ces incontournables. Régulièrement, il place ses collections sous le signe du septième art. « Et Dieu créa l'homme », « Le Charme coincé de la bourgeoisie », « James Blonde », « Sleepy Hollow » : leurs titres témoignent d'un mélange de genres, d'humour, de sexualisation, de cinéphilie et de pop culture. Un esprit dans lequel s'est retrouvé Pedro Almodóvar, auquel Gaultier est souvent associé en tant que costumier de cinéma. La pénétration de sa griffe dans l'espace diégétique de cinéastes s'est pourtant opérée à bien d'autres occasions et sous différentes formes : pour la première fois dans Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant (1989) de Peter Greenaway, à travers Catherine Deneuve dans Au plus près du paradis (2002) de son amie et réalisatrice Tonie Marshall (1951-2020), à qui l'exposition est dédiée. Mais encore de manière explosive dans Le Cinquième élément de Luc Besson (1997), où des créatures intergalactiques hors normes font tout particulièrement état de la vision de l'humanité du couturier. Il est peu de dire que les tenues de Gaultier sous-tendent en elles-mêmes tout un univers, incarné sur les podiums par des mannequins aux fortes personnalités et de tout type physique, comme autant de personnages sortant d'une intrigue. À l'instar d'autres couturiers stars des années 1980, le couturier a ainsi transformé le défilé de mode – construit sur un scénario, une orchestration sonore et une scénographie élaborés – en un spectacle proprement cinématographique.
Pedro Almodóvar, Victoria Abril et Jean Paul Gaultier sur le tournage de Kika, 1994 © Nacho Pinedo
CinéMode par Jean Paul Gaultier


LA MODE VUE PAR LE GRAND ÉCRAN
Deux films trouvent une place particulièrement importante dans l'exposition. En tout premier lieu Falbalas, mélodrame de Jacques Becker (1945) dont l'histoire se situe dans l'effervescence d'une maison de couture d'après-guerre. Première école, film séminal par excellence dont Gaultier transformera les images découvertes à l'âge de 13 ans en créations de mode. « Sans le défilé de Falbalas, je n'aurais jamais fait de ce métier », a-t-il souvent répété. Le deuxième long métrage est Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? (1966) du photographe américain basé en France William Klein. Regard aigu sur son époque, mise à nu de la téléréalité naissante, satire des délires égocentriques du milieu de la couture alors dominé par le Space Age : personne – du couturier misanthrope à la rédactrice en chef versatile – n'y est épargné. En 1970, Pierre Cardin, connu pour ses créations futuristes unisexes et précurseur de la figure du couturier vedette, est alors au sommet de sa gloire. Il accueille le jeune Gaultier dans sa maison : c'est sa deuxième école de mode.
Blow-Up de Michelangelo Antonioni (1966), Barbarella de Roger Vadim (1968) et 2001, l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick (1968), entre autres, témoignent de ce mouvement utopique à la croisée du design, de la science et de la musique. Bien d'autres films s'amuseront à caricaturer les mannequins frivoles, la presse people ou les riches clientes des premiers rangs du catwalk : certains inoubliables comme The Women de George Cukor (1939), où le défilé de mode surgit comme une pause émerveillée en couleurs dans un film encore en noir et blanc.

William Klein - Photographie en coulisses du film Qui êtes-vous Polly Maggoo ?, 1966 © William Klein/ Films Paris New York
CinéMode par Jean Paul Gaultier


FEMME FATALE, MACHO MAN
Loin d'une histoire exhaustive des relations entre la mode et le cinéma – l'exercice eût été difficile – CinéMode est aussi une plongée dans les représentations genrées, sur le grand écran et à travers les vêtements. Défilent ainsi les femmes fatales ultra-féminisées d'Hollywood, telles Mae West et Marilyn Monroe, dans leurs tenues ajustées aux décolletés vertigineux. Mais aussi la star française Brigitte Bardot, maintes fois accusée d'outrages aux bonnes mœurs et à l'avant-garde d'une mode prêt-à-porter simple, jeune et insouciante. Face à elles, les gangsters, cowboys et superhéros s'incarnent dans des virilités conquérantes : profondément macho chez John Wayne, brutalement musculaire chez Sylvester Stallone, plus ingénu chez les premiers interprètes de Superman au célèbre justaucorps. Parmi eux, Marlon Brando fait figure de véritable rupture : avec Un tramway nommé désir (Elia Kazan, 1951), il reste la figure la plus célèbre d'une nouvelle masculinité prolétaire à la fois menaçante et fortement érotisée, déplaisante et désirable. Icône de cinéma, l'acteur influence la mode de la rue masculine des années 1950 et toute une génération de jeunes férus de rock'n'roll qui – pour la première fois dans l'histoire des vêtements – ne s'habillent plus comme leurs parents.
Pink Flamingos, John Waters, 1972 © Warner Bros.
CinéMode par Jean Paul Gaultier

ET TOUS LES AUTRES « FREAKS »
Sexualiser les corps, féminiser les silhouettes masculines, valoriser les femmes puissantes : tel est le credo du couturier empreint de culture camp anglo-américaine (du Rocky Horror Picture Show à Divine), en phase avec les avant-gardes émergentes et les mouvements d'émancipation.
« Quand, en 1976, j'ai présenté ma première collection à Paris, j'ai été considéré comme un iconoclaste, en marge du bon chic parisien. D'ailleurs, seuls les journalistes anglais et japonais ont parlé et écrit de façon positive sur mon défilé. C'est vrai que je n'étais pas d'accord avec le diktat selon lequel les femmes doivent être à tout prix « hyperféminines » (d'ailleurs ça veut dire quoi, au juste : porter des robes à volants, ou à motifs, avec des fleurs ou des petits oiseaux imprimés ? Pas mon genre !). À Londres, c'était l'inverse, je voyais des femmes aux attitudes rebelles. Il y en avait aussi au Palace, à Paris, mais à Londres, cette excentricité était partout : dans la rue, les allures étaient incroyables, avec un goût appuyé de la différence et toujours le sens de l'humour en plus. » À l'image de la marinière de Querelle (Rainer Werner Fassbinder, 1982), symbole homoérotique, ou du look androgyne bohème de Jane Birkin, exacerbé dans Je t'aime moi non plus (Serge Gainsbourg, 1976), CinéMode raconte comment les vêtements trouvent une magnifique chambre d'écho dans le cinéma, qui n'a cessé lui-même de briser des tabous. Le tout dans un grand brassage de références, de détournement de codes et de dissolution des frontières.
Texte de Florence Tissot

RENDEZ-VOUS AVEC JEAN PAUL GAULTIER

Jean Paul Gaultier, commissaire de l'exposition CinéMode, a sélectionné cinq films qui lui sont chers, qui sont au cœur de sa cinéphilie, ou dont il a confectionné les costumes.
La plupart des séances seront présentées par Jean Paul Gaultier.

LES JEUDIS JEUNES

Le rendez-vous des 18-25 ans et des étudiants
Chaque premier jeudi du mois, de 18h à 21h, la Cinémathèque rien que pour vous ! À l'heure où les musées ferment normalement leurs portes, profitez d'un accès libre, gratuit et réservé à l'exposition CinéMode. Participez aussi à des activités en lien avec l'exposition à travers une thématique permettant de prolonger la visite.
Offre gratuite, valable pour tous les 18-25 ans et les étudiants, sur réservation en ligne obligatoire.

ATELIERS ET STAGES JEUNE PUBLIC

VISITES GUIDÉES

Une traversée du XXe siècle au prisme des modes dont le cinéma s'est nourri, et au cours de laquelle on croisera Dietrich et Brando, Garbo et Bardot, Stallone et Madonna, des super-héros, des femmes fatales et des rebelles. Réservation obligatoire du créneau de visite sur https://www.cinematheque.fr/    et fnac.com

Exposition CinéMode par Jean Paul Gaultier from La Cinémathèque française on Vimeo.

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