"Pétrole, histoire de pouvoir" et "Coup de Poker sur l'essence" dans les coulisses du marché noir, sur ARTE et Arte.tv



Pourquoi l'essence va flamber 
À l'antenne ARTE
le 21/09/2021 à 20.50 puis 22.40
et aussi sur ARTE.tv

Comment et pourquoi le cours du baril de brut s'est effondré entre 2014 et 2016, contre (presque) toute attente. Entre économie et géopolitique, une vertigineuse enquête dans le monde très fermé des rois du pétrole pour comprendre les fluctuations des cours de l'or noir.

En septembre 2012, un jeune analyste français des marchés pétroliers, Alexandre Andlauer, publie une étude choc, annonçant la chute prochaine des cours du pétrole. Une analyse à contre-courant alors qu'après le troisième choc pétrolier, en 2008, qui a vu le cours du baril flamber à près de 150 dollars, on agite plus que jamais la menace du "peak oil" : l’épuisement des ressources, redouté depuis les années 1970. Pourtant, dès la fin 2013, le monde regorge de pétrole, confirmant le scénario du franc-tireur. En deux ans, le baril de brut va perdre 70 % de sa valeur. Différents facteurs ont contribué à ce "contre-choc" pétrolier, mais Jean Crépu révèle ici le plus décisif : un bras de fer joué en sous-main, et perdu, par l'Arabie saoudite, suivie à contrecoeur par ses partenaires de l'Opep, contre leur rival américain et ses producteurs de pétrole de schiste. La flambée des cours après 2008 a en effet permis aux États-Unis d'exploiter leurs immenses réserves en la matière, la technologie d'extraction, jusqu'ici coûteuse, étant devenue accessible…



Un monde de brut(e)s
De la nouvelle ruée vers l'or du Texas, qui voit pousser les villas des oil workers du schiste, aux bureaux feutrés des grands marchands de la planète, entre Bourse de New York et cercles fermés du pouvoir russe ou saoudien, Jean Crépu retrace comme un thriller cette formidable partie de poker économique et géopolitique en nous ouvrant ses coulisses. La troisième manche a vu en 2018 la production américaine égaler pour la première fois celle de Riyad, tandis que la Russie, jusque-là observatrice, s'est rapprochée de l'Opep. Mais alors que le robinet du brut semble ainsi pouvoir couler longtemps encore, le revirement amorcé par la Norvège, qui a choisi d'utiliser sa manne pétrolière pour miser sur les énergies renouvelables, préfigure peut-être l'avenir. Car n'en déplaise à Donald Trump, le monde de l’énergie, sous la menace du changement climatique, a commencé lui aussi à évoluer, et la demande en pétrole pourrait diminuer plus vite que prévu.

Documentaire de Jean Crépu (France, 2018, 58mn)



Véritable thriller économique et géopolitique, le documentaire Coup de poker sur l'essence plonge dans les coulisses du marché pétrolier à un moment de bouleversement majeur, de 2014 à aujourd'hui. Entretien avec son réalisateur, Jean Crépu (Main basse sur le riz).

Pourquoi avoir décidé de vous attaquer au monde très fermé du pétrole ?
Jean Crépu : J’avais ce projet en tête depuis quelque temps mais je cherchais une porte d’entrée pour aborder l’immense complexité de ce marché. Puis, en 2014 et 2015, les cours du baril se sont mis à baisser de façon spectaculaire, sans que personne ne l’ait anticipé. En commençant à enquêter, j’ai réalisé que cette crise n’était pas la répétition d'un scénario connu, mais traduisait un véritable bouleversement des fondamentaux du marché pétrolier, tel qu’on le connaissait depuis des décennies. Les grands pays producteurs de pétrole se livraient alors à une énorme partie de poker, dont personne ne connaissait l'issue. Pour un documentaire, il y avait un axe dramaturgique puissant : des rapports de force, du suspense, des renversements d’alliance. J’en ai fait ma structure narrative.

Quelles ont été les causes de ce bouleversement ?
Pendant longtemps, les experts ont considéré que l’épuisement des ressources était inéluctable et que nous allions devoir apprendre à vivre sans pétrole. C’est un tout autre scénario qui est apparu. La raison principale est que, dans la première décennie des années 2000, les États-Unis ont changé de stratégie. Pour sortir de leur dépendance vis-à-vis des pays du Moyen-Orient, ils ont décidé de tirer profit du pétrole de schiste, dont regorge leur territoire. Cette ressource, nécessitant de fracturer la roche dans laquelle elle est piégée, était connue mais jusque-là trop chère à exploiter. Le cours du baril atteignant des sommets en 2007, le pétrole de schiste est devenu rentable. Les Américains deviennent alors le plus gros producteur de pétrole du monde et le marché fait face à une surabondance qui contredit complètement tout ce que l'on nous avait prédit.

Les Américains ont donc remporté la première manche...
Au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, l'Opep, les Saoudiens ont tenté de riposter en inondant le marché afin de faire baisser les cours et d’attaquer la rentabilité du pétrole de schiste, mais ils ont sous-estimé les progrès technologiques et la capacité de résistance des Américains. Le pari a été perdu. Pour tenter de reprendre la main, ils ont passé des accords pétroliers inédits avec les Russes, pourtant leurs ennemis sur le terrain géopolitique, notamment en Syrie. Si le cours du baril de pétrole est remonté, la donne a changé. Je pense qu’on assiste aux débuts d’une très grande mutation dans le secteur de l’énergie, car la planète ne pourra pas faire l’impasse sur les enjeux climatiques. Un nombre non négligeable d’experts prédisent une baisse de la demande mondiale à l’horizon 2030, c'est-à-dire demain. Sans forcément disparaître, le pétrole n’occupera plus la place royale qui a été la sienne au XXe siècle.

L’extraction du gaz ou du pétrole de schiste par fracturation cause par ailleurs une pollution importante. La question n’est-elle plus d’actualité aux États-Unis ?
Elle le reste bien évidemment, même si je ne traite pas de cet aspect dans le film. L'extraction par fracturation, qui nécessite d'énormes quantités de sable, d'eau et de produits chimiques n’est pas sans conséquences environnementales, et comporte aussi des risques sismiques. Mais la question écologique chez les producteurs de pétrole de schiste américains est loin d’être une priorité. On est persuadé que la technologie résoudra à terme tous les problèmes.

 

Commentaires