Le sommet des Dieux : un grand manga hanté par l'Everest et ses morts




Le sommet des Dieux

Synopsis

A Katmandou, le reporter japonais Fukamachi croit reconnaître Habu Jôji, cet alpiniste que l'on pensait disparu depuis des années. Il semble tenir entre ses mains un appareil photo qui pourrait changer l’histoire de l’alpinisme. Et si George Mallory et Andrew Irvine étaient les premiers hommes à avoir atteint le sommet de l’Everest, le 8 juin 1924 ? Seul le petit Kodak Vest Pocket avec lequel ils devaient se photographier sur le toit du monde pourrait livrer la vérité. 70 ans plus tard, pour tenter de résoudre ce mystère, Fukamachi se lance sur les traces de Habu. Il découvre un monde de passionnés assoiffés de conquêtes impossibles et décide de l’accompagner jusqu’au voyage ultime vers le sommet des dieux.



Un sommet du manga

Entre 1994 et 1997, l’écrivain japonais Baku Yumemakura publie, sous forme de feuilleton, Le Sommet des Dieux. Un récit d’ascensions qui confronte deux destins  : celui de Habu, alpiniste au passé tragique, et de Fukamachi, un journaliste désœuvré, dans leur quête de l’Everest. Jamais traduit en dehors du Japon, cette aventure en haute altitude a d’abord marqué les esprits au Japon et notamment celui du mangaka Jirô Taniguchi. Avec la complicité de Yumemakura, il a signé une adaptation fleuve en 5 tomes aux éditions Shueisha entre 2000 et 2003. Puis, les éditions Kana les ont publiés en France où le public a plébiscité l’expédition  : 380 000 volumes se sont depuis écoulés et Taniguchi-san a notamment reçu le prix du meilleur dessin au Festival d’Angoulême en 2005. Sept ans plus tard, JeanCharles Ostorero (Julianne films), a rejoint la cordée... « J’ai découvert les 5 tomes et, à la fin de ma lecture, j’ai eu immédiatement l’envie d’en faire un film. Mais quel film réaliser à partir de cette immense fresque ? Il fallait épurer les intrigues secondaires, pour ne garder que la trame principale 



Dider Brunner — « Habu a un côté Capitaine Achab dans Moby Dick, il a quelque chose à régler avec la montagne. L’Everest le motive individuel - lement mais est socialement destructeur. Habu est un taiseux qui n’arrive pas à partager avec les autres. Notre envie était de conduire le film vers une tension philosophique à travers une histoire mentale et intérieure. »

Face à Habu et Fukamachi se dresse le troisième personnage du film  : l’Everest. La plus haute montagne du monde obsède les alpinistes du Japon, de France et de partout ailleurs. Un décor fabuleux, mais aussi ombre oppressante tout au long du film...

Car l’Everest est un triomphe récent. Il a fallu attendre 1953 et l’expédition victorieuse de Edmund Hillary et Tensing Norgay pour gravir les 8 848 m du toit du monde. « L’Everest, c’est la grande aventure de la première moitié du 20e  siècle, rappelle Jean-Charles Ostorero. Jusqu’en 1953, tout le monde n’attendait que ça. » Depuis, près de 5 800 alpinistes ont réussi l’ascension, mais 300 candidats y ont trouvé la mort, leurs dépouilles jonchant parfois les abords du tracé vers le sommet

Le mystère Mallory 
La communauté des gens de montagnes sait qu’une expédition grimpe toujours sur les épaules des précédentes. Et celle de Mallory est fondatrice. Cet alpiniste britannique est resté célèbre pour avoir péri en 1924, à 37 ans, avec son partenaire Andrew Irvine, alors qu’ils étaient proches du sommet (leurs corps ont été retrouvés à 8  390 m d’altitude). Depuis, les alpinistes ont toujours dans l’idée de récupérer l’appareil photo emporté par le duo et qui pourrait prouver si oui on non ils ont pu atteindre le sommet




À la question d’un journaliste du New York Times qui lui demandait pourquoi il s’entêtait à vouloir gravir l’Everest, Mallory avait répondu pour la postérité « parce qu’il est là ». Habu est habité par la même quête intérieure : il ne veut pas se hisser en haut des plus hauts pics pour la gloire, mais parce que l'alpinisme est le chemin de sa vie, le seul endroit où il se sent pleinement heureux.

Patrick Imbert et son équipe ont travaillé à restituer, par-delà le récit d’aventure et les vues incroyables sur l’Himalaya, ce qui faisait grimper les héros, ce qui les poussait à s’élever physiquement et spirituellement. « Il fallait rendre compréhensible le questionnement de Habu et Fukamachi pendant la montée. Finalement, c’est proche de la démarche artistique. Toutes choses égales par ailleurs, quand on me demande pourquoi je dessine, je ne sais pas répondre autre chose que “parce que, ce que j’aime, c’est dessiner”. Comme nos deux héros, il y a aussi un grand sentiment de solitude quand on crée. » Les deux héros du film partent avec leurs mystères. La montée leur apportera-t-elle des réponses  ? Loin de n’être qu’un exploit sportif, défier l’Everest est aussi une occasion d’explorer son humanité, même s’il faut sentir son corps en souffrance pour cela.

"Le Sommet des Dieux", réalisé par Patrick Imbert d'après l'œuvre de Jiro Taniguchi et Baku Yumemakura. Au cinéma le 22 septembre 2021.

Commentaires