mardi 13 avril à 20.50 sur ARTE
Disponible sur arte.tv du 06/04/2021 au 12/05/2021
Alors que les cas d’intolérance au gluten explosent, cette ambitieuse enquête révèle les dommages causés par la dérégulation de notre économie sur le blé, notre aliment de base.
Magique, le gluten apporte gonflant et liant aux préparations culinaires. En revanche, il est indigeste. Mais s’il ne fait qu’alourdir l’estomac d’une personne en bonne santé, il provoque chez les individus cœliaques ou sensibles une réaction immunitaire dévastatrice. En 2018, le marché mondial des produits sans gluten pesait 15 milliards d'euros. Il devrait plus que doubler d'ici à 2027. La diabolisation de cette protéine qui se forme en mélangeant l'eau à la farine ne constitue-t-elle qu’un argument marketing ? Ou le blé s’est-il mué en poison ? Comment cette céréale faite pour mûrir au soleil peut-elle prospérer dans des pays froids comme l’Ukraine ou le Canada ? Les cas de maladies cœliaques, quatre fois plus élevés que dans les années 1950, et de sensibilité au gluten ont explosé, avec une vitesse excluant une mutation génétique et accusant notre environnement.
Géopolitique du blé
Jadis élancés, les blés ont rapetissé. Pourquoi ? Parce que les variétés naines s’accordaient mieux avec les engrais à base de nitrates et de phosphates, matières à explosifs dont il fallait écouler les stocks accumulés durant la Seconde Guerre mondiale… Ces "petits blés" contiennent moins de gluten mais dotent celui-ci d'une élasticité renforcée que nous tolérons moins bien. Ce gluten tenace, niché dans de nombreux produits transformés, n'explique pourtant pas à lui seul l'épidémie actuelle. Les résidus grandissants de glyphosate, un herbicide, dans les aliments à base de céréales ont une part écrasante de responsabilité.
mainmise des multinationales
Le constat dressé par cette enquête, multipliant les éclairages de chercheurs, économistes, juristes, fermiers ou militants, laisse pantois : mainmise des multinationales sur les réglementations, modèle industriel favorisant les grands céréaliers, interdépendance des pays entravant la régulation… Contrainte d’importer une partie de son blé, l’Italie, qui interdit la dessication (prisé dans les pays froids, le procédé consiste à vaporiser l’herbicide juste avant la moisson pour faire mûrir les plantes artificiellement), a tenté d’indiquer sur les paquets de pâtes la provenance des grains. Le Canada a aussitôt déposé un recours au tribunal de l’OMC. Pointant les dérives mais aussi les avancées, comme le retour des variétés de blé anciennes en Sicile, un démêlage vigoureux de nos épis et des maux qui les rongent.
Présenté par Andrea Fies
Documentaire de Patrizia Marani (France/Italie, 2020, 1h18mn)
Présenté par Andrea Fies
Documentaire de Patrizia Marani (France/Italie, 2020, 1h18mn)
INTOXIQUÉS COMME LES BLÉS
Depuis l’adoption, en 2018, d’une réglementation commune par l’Union européenne, le niveau maximal autorisé des résidus de glyphosate (l’herbicide mis au point par Monsanto) pour le blé et l’orge y est de cent à deux cents fois supérieur à celui des légumes. Aux États-Unis, où il n’a cessé de croître jusqu’à être trois cents fois plus élevé, une étude a mis en avant une corrélation entre l’augmentation des doses de glyphosate pulvérisées sur les céréales et l’explosion de certaines pathologies comme la maladie cœliaque – qui exige de se passer totalement de gluten –, le diabète, le cancer de la thyroïde ou l’autisme. Une troublante correspondance, exposée dans l’excellente enquête de Patrizia Marani, où l’on apprend que le gluten n’est pas le seul responsable des maux dont on l’accuse.
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