Voyage à Yoshino avec Juliette Binoche : l'appel de la forêt, au risque de s'y perdre (sur ARTE.tv)



Masatoshi Nagase, Juliette Binoche et Takanori Iwata
 

Voyage à Yoshino sur ARTE.tv 

Disponible sur arte.tv du 16/03/2021 au 16/04/2021

Synopsis 
Jeanne part pour le Japon, à la recherche d'une plante médicinale rare. Lors de ce voyage, elle fait la connaissance de Tomo, un garde forestier, qui l’accompagne dans sa quête et la guide sur les traces de son passé. Il y a 20 ans, dans la forêt de Yoshino, Jeanne a vécu son premier amour.

Note 2,5/5. On se laisse porter par les magnifiques couleurs et les mouvements des arbres de Yoshino. Juliette Binoche un peu perdue,
 nature omniprésente, au point d'en perdre la trame de l'histoire.



L'appel de la forêt
Naomi Kawase ( Still the Water ) retrouve ici ses thèmes de prédilection, la douleur de la perte, qui hante Jeanne (Juliette Binoche) tout au long du film, et les pouvoirs de guérison de la nature. À la fois propice à la spiritualité, avec ses frondaisons élancées, et étouffante sous ses arbres resserrés, la forêt de Nara happe les personnages et leur fait perdre leurs repères pour mieux les révéler à eux-mêmes. Une parabole chamanique, à la lisière du fantastique, traversée de splendides images.

Critique
Pour Naomi Kawase, la forêt a un pouvoir mystique et mystérieux ; on peut s’y perdre et perdre la notion du temps. C’est un thème qu’on trouvait déjà dans le film La Forêt de Mogari, qui lui valut la palme d’or au Festival de Cannes en 2007. La nature y avait déjà ce pouvoir sur les gens ; elle les envoûtait et les transformait.
Ici encore, la forêt a ce pouvoir sur les êtres qui y pénètrent ; c’est en fait le personnage central. Elle impose son rythme, marqué par de remarquables images de mouvement de grands arbres en un véritable ballet. 




L’univers symbolique complexe et hermétique de Naomi Kawase  est parfois déroutant


On se laisse porter par le récit sans être sûr d’en toujours comprendre les symboles ; et la (con)fusion, voulue, entre le passé et le présent le rend complexe. Parfois même, il est permis de se demander s’il faut chercher un sens à ce que l’on voit. Il faut par exemple être «très sensible» pour voir dans les nombres premiers une poésie particulière ; difficile d’être convaincu que 997 est un nombre aux vertus spéciales. Difficile aussi de ne pas sourire à la naïveté de l’image quand on voit que Jeanne a dessiné sur son carnet, à côté du dessin de la plante qu’elle recherche, une double hélice ADN ; la ficelle symbolique est un peu grosse !
Le film se laisse voir, avec de très beaux moments dans la ligne du cinéma de Miyazaki, mais il lui manque une histoire qui nous tienne du début à la fin ! Naomi Kawase développe son art d'un cinéma protéiforme qui oscille ici entre documentaire et fiction. 



Juliette Binoche
Verbatim de Naomi Kawase
La notion du temps
"La notion du temps est capitale et aujourd’hui le temps nous échappe, à l’inverse des arts traditionnels japonais qui prennent leur temps…Pendant le développement du film, j’ai beaucoup marché, j‘ai parcouru les sentiers qui mènent au Mont Yoshino. Des chemins ancestraux, marqués par le passage du temps. Les gens y récoltaient des plantes médicinales et la végétation y était dense. Après la guerre, un mode de vie occidental est apparu et le quotidien des Japonais s’est transformé. Les routes ont été goudronnées, des tunnels creusés, les gens n’ont plus eu besoin de traverser chaque village à pied, ils ont pu voyager plus loin et plus facilement. Alors, les liens traditionnels de proximité se sont distendus, et même les familles ont fini par ne plus vivre ensemble sur la même terre. Je ne redoute pas le changement, mais il est important de ne pas oublier ce qui existait autrefois.
Dans le film, en fusionnant le passé et le présent, j’ai tenté de proposer une «vision» vers un avenir."



Le travail avec Juliette Binoche

"Nous avons échangé par Skype, et son ressenti, sa façon de communiquer, nous ont permis d’éclairer ensemble le personnage de Jeanne. Le récit s’est tissé comme s’il incorporait Juliette, son jeu, son esprit. L’imaginer évoluer dans un village perdu au coeur de la montagne japonaise m’inspirait. J’avais le pressentiment que, même si je lui en disais peu sur son rôle, il suffisait qu’elle vienne à Nara pour que tout se mette en place naturellement."

Troisième collaboration* avec l’acteur Masatoshi Nagase

"À chaque film, nous tissons un lien de confiance de plus en plus fort. Dans ce film, il incarne un garde forestier. Il s’est entraîné physiquement pour ce rôle et, accompagné d’un chien qui partageait son existence, il est réellement parti vivre en reclus dans les bois. "
* Vers la lumière en 2017, Les Délices de Tokyo en 2015



Sortie le 28 novembre au cinéma 

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