Luc Hermann
Labos tout-puissants dans Big Pharma
Plus riches et plus puissantes que jamais, les firmes pharmaceutiques orientent la recherche et le remboursement des soins. Enquête sur une industrie hors de contrôle, dont les intérêts ne coïncident pas toujours avec les impératifs de santé publique.
Sous quel angle avez-vous abordé ce documentaire ?
Luc Hermann : Bien qu'il soit difficile de mener un travail d'investigation sur l'industrie pharmaceutique, nous avons enquêté pendant un an sur la financiarisation de l'écosystème du médicament. Notre objectif était de montrer que certains laboratoires, semblables à de véritables multinationales, sont désormais plus puissants que les États.
Comment est-ce possible ?
Ceux que l'on nomme communément les "Big Pharma", tels que les laboratoires suisses Novartis et Roche, les américains Pfizer et Johnson & Johnson, et le français Sanofi, sont devenus ces dernières années des machines financières extrêmement puissantes qui cherchent, dans une concurrence effrénée, à rentabiliser le plus rapidement possible leurs médicaments. Grâce à leur intense lobbying, ils orientent les financements de la recherche et les remboursements publics vers leurs traitements, qui sont les plus coûteux, mettant ainsi en péril le système solidaire de santé publique. La course au vaccin contre le Covid-19 représente un nouvel exemple de leur cynisme incroyable pour s'octroyer le monopole de la recherche sur certaines maladies.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans cette enquête ?
Si nous avons pu, par exemple, interroger des médecins, des professeurs, des économistes de la santé, des patients et des avocats de victimes de certains médicaments, nous avons en revanche déploré les refus d'interviews de presque tous les grands laboratoires. Ces derniers ont, pour la plupart, longtemps caché ou minimisé les effets secondaires graves ou les effets addictifs de certains de leurs traitements dans un pur but mercantiliste. C'est le cas de Sanofi, seul laboratoire à avoir accepté de nous répondre. Un de leurs médicaments contre l'épilepsie, la Dépakine, a entraîné des malformations du fœtus chez les femmes enceintes. Le laboratoire vient d'ailleurs d'être mis en examen pour "homicides involontaires".
Cela signifie-t-il que des solutions existent pour contrer la toute-puissance de ces laboratoires ?
La justice prend du temps. Il faut absolument que les États et leurs agences du médicament renforcent les contrôles sur les laboratoires et les sanctionnent lourdement dès le début d'une suspicion d'information cachée. Dans les pays qui en ont les moyens, la recherche publique doit être mieux financée et les médecins, mieux rémunérés pour empêcher tout conflit d'intérêts.
Propos recueillis par Laure Naimski
Bonjour puis-je avoir SVP l'interview d'env. 10 mn qui suit vers 22 h35 ce mardi 15/9/2020 le docu "Big Pharma" ? Merci. Répondre à jacoyva@gmail.com Cordialement. J. Odroit
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