#Critique "La daronne". Isabelle Huppert et Hippolyte Girardot dans une comédie policière amorale réjouissante



Synopsis
Patience Portefeux est interprète judiciaire franco-arabe, spécialisée dans les écoutes téléphoniques pour la brigade des Stups. Lors d'une enquête, elle découvre que l'un des trafiquants n'est autre que le fils de l'infirmière dévouée qui s’occupe de sa mère. Elle décide alors de le couvrir et se retrouve à la tête d'un immense trafic ; cette nouvelle venue dans le milieu du deal est surnommée par ses collègues policiers "La Daronne".

Note 3,5/5. Bien rythmé, inventif, beaucoup d’humour, un peu de cynisme, de bons dialogues. Excellents interprètes

Critique
"La Daronne" est un terme argotique pour désigner "la mère, la patronne". Une daronne, c’est ce que devient Patience Portefeux, le hasard aidant, à la tête d'un immense trafic. Cela arrange bien ses affaires car le métier d’interprète judiciaire n’est pas lucratif, et la maison de retraite de sa mère lui coûte cher ! Avec quelques centaines de kilos de résine de cannabis de très bonne qualité, la voilà riche. Encore faut-il les écouler. Il lui faut donc apprendre à échapper à la police d’une part (elle est dans la place c’est utile), et à des gens fort antipathiques qui veulent récupérer leur «bien» (on les comprend).

                                                      Hippolyte Girardot dans La daronne

Pour l’aider, Patience a deux atouts. D’abord un chien renifleur «mis à la retraite » qu’elle adopte, non par amour des animaux, mais parce qu’elle pourra lui faire reprendre «du service».

Ensuite sa voisine de palier, Madame Fo, qui sait à la fois comment blanchir de l’argent sale et faire disparaître des cadavres encombrants («Ce n’est pas la peine d’appeler la police, elle ne vient jamais » explique-t-elle). Madame Fo est aussi une philosophe : «Parler ne fait pas cuire le riz ».
Adaptation du roman éponyme d’Hannelore Cayre, le film de Jean-Paul Salomé est bien réjouissant. Inventif, rythmé, il est très bien interprété par Isabelle Huppert (qui se glisse avec facilité dans le rôle), par Hippolyte Girardot, et d’excellents seconds rôles.

       
Entretien avec Jean-Paul Salomé
Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’adapter La Daronne, d’Hannelore Cayre ? C’est un roman que j’ai beaucoup aimé, notamment son ton, son mélange de comédie et de polar. Surtout, j’y ai vu la possibilité d’un beau portrait de femme, avec à la clé un rôle intéressant pour Isabelle Huppert. J’imaginais le contraste entre elle et sa carrure plutôt frêle, et ce milieu d’hommes costauds - dealers qui roulent en Porsche Cayenne, policiers, et la manière un peu irrévérencieuse dont elle les traite. Mais rien ne serait arrivé sans un heureux concours de circonstances. À l’été 2017, je quitte Unifrance, dont j’ai assuré la présidence pendant plus de quatre ans. Lors des derniers mois, je voyage beaucoup avec Isabelle Huppert, qui présente ELLE, de Paul Verhoeven, un peu partout dans le monde. Nous sympathisons. À la fin d’un de ces voyages, je lui dis que j’aimerais beaucoup que nous travaillions ensemble. "Ah oui, une comédie, ce serait bien !", me répond Isabelle. Entretemps, Marc Irmer, qui a produit COMMIS D’OFFICE - le premier film réalisé par Hannelore Cayre en 2009, a pensé à moi pour adapter La Daronne. Je reçois le livre, qui m’emballe. Je rencontre Hannelore. D’autres cinéastes sont sur le coup, mais, me dit-elle, ils veulent plutôt garder la mécanique policière, gommer la comédie. Je lui dis que c’est l’équilibre entre les genres qui m’intéresse, elle en paraît contente. Je lui parle d’Isabelle Huppert, elle ne croit pas à un tel miracle alors que je lui assure que c’est possible. Coïncidence invraisemblable, quand j’appelle Isabelle, qui arrive sur son lieu de vacances, elle me dit avoir acheté le livre à l’aéroport, l’avoir lu dans l’avion et qu’il lui a beaucoup plu. Donc, sous réserve que le scénario lui aille, banco ! Avec Hannelore, qui tenait participer à l’adaptation, nous commençons donc à écrire.

    
Isabelle Huppert dans La daronne        

Comment Isabelle Huppert s’est-elle préparée au tournage ?
Elle ne parle pas l’arabe. Alors, elle a dû apprendre ses répliques phonétiquement. C’est là qu’avoir une grosse bosseuse comme elle change la donne ! On a commencé le tournage en novembre 2018. Dès l’été, elle avait tous ses dialogues enregistrés de plusieurs façons différentes, dits par un homme, par une femme, à vitesse normale, à vitesse réduite. Elle a appris syllabe par syllabe, intonation par intonation. J’étais forcément anxieux. Elle me disait que c’était dur. Son coach, qui nous a accompagné jusqu’au tournage, me rassurait. Isabelle est partie tourner FRANKIE au Portugal, je crois qu’elle apprenait nos répliques entre les prises, dès qu’elle avait un moment. Le jour J, elle savait tout par cœur, c’était dingue. On aurait pu, en cas de catastrophe, la doubler, même partiellement. Mais non. On a fait écouter ses dialogues à des Marocains qui nous ont dit qu’elle parlait bien, avec un petit accent français. Et puis avec Marité Coutard, on a fait sa garderobe : une daronne riche, qui en impose aux petits dealers quand elle leur donne rendez-vous dans un hôtel de luxe ; une daronne modeste, quand elle passe la marchandise dans une supérette en banlieue… Isabelle Huppert est une comédienne qui est davantage dans l’exécution que dans l’intention… Au début de la journée de travail, il faut la rassurer sur le sens de son action et de ses dialogues. Le matin, au maquillage, on discutait librement des scènes de la journée et des dialogues, elle voulait être sûre d’avoir saisi les intentions, compris le sens de chaque réplique. Par exemple, pour la scène où Madame Fo et Patience parlent de la façon de blanchir l’argent, elle voulait être sûre de bien saisir le mécanisme. Une fois qu’on est d’accord sur la finalité des choses, c’est surtout de la mise en place. Ce qu’il faut trouver, c’est le bon rythme, le meilleur timing pour elle et ses partenaires. Elle a cet instinct qui lui permet de dire : "OK, j’y suis" ou "Reprenons, il y a encore des choses à trouver". Elle cherche tout le temps. Je crois qu’elle aimait beaucoup le personnage, qui lui offrait beaucoup à jouer. Dans la moindre réplique, me disaitelle, il y a tellement à faire… Patience ment beaucoup, à tout le monde, pour garantir sa double vie. Isabelle devait parfois fabriquer des réactions, feindre l’étonnement. Dans la scène où elle va voir Madame Fo chez elle, on n’avait pas retenu la phrase qui clôt leur conversation : "Parler ne fait pas cuire le riz." Elle est pourtant dans le livre et je la trouvais drôle. Je demande donc à ma comédienne Jade Nadja Nguyen, de s’en servir pour mettre fin à la conversation. Et Isabelle de rebondir : "Oh, je pourrais la répéter en écho." Comme à cet autre moment où elle répète la phrase imagée de Scotch : "La galérance, elle est finie !



Liste artistique
Isabelle Huppert
Hippolyte Girardot
Farida Houchani
Liliane Rovère

Sortie le 25 mars

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