# Critique "La cravate". Remarquable documentaire sur les démons d'un petit soldat de Lepen


«La cravate, c’est le symbole de la transformation d’un parti anti-système en parti normalisé, en quête de respectabilité.» (Etienne Chaillou)

Synopsis
Bastien a vingt ans et il milite depuis cinq ans dans le principal parti d'extrême-droite. Quand débute la campagne présidentielle, il est invité par son supérieur à s'engager davantage. Initié à l'art d'endosser le costume des politiciens, on le surprend à rêver d'une carrière, mais de vieux démons resurgissent qui risquent de briser son ambition…


Note 4/5. Remarquable documentaire de 
Mathias Théry et Etienne Chaillou, à la présentation originale.





Critique
« Tant que mes idées ne sont pas au pouvoir, je continue » dit Bastien. La phrase pourrait être partagée par nombre de personnes, en particulier beaucoup de militants politiques. Bastien est de ceux-là, lui milite pour Marine le Pen. Il semble lui être attaché viscéralement ; il arbore «je suis Marine » sur son tee shirt (allusion assumée à « Je suis Charlie »). Bastien est homme d’ordre, on se doute un peu de quel ordre. Il avait prévu de se marier avant 25 ans et d’avoir un fils avant 26 ans…
Son côté poupon le rend sympathique et il se confie volontiers à la caméra.


Mathias Théry et Etienne Chaillou ont choisi une forme originale de documentaire : le fil conducteur est un opuscule consacré à Bastien que celui-ci commente. Cela donne un documentaire avec des aspects fictionnel et littéraire, et leur permet d’établir un dialogue tout en finesse entre le film sur Bastien et Bastien lui-même. La voix-off est un outil très puissant dans la construction du film. C’est diablement intelligent !




Un dispositif narratif très particulier, verbatim des réalisateurs
«Il y a deux choses dans ce dispositif : tout d’abord cette voix-off littéraire que nous avons imaginée très tôt, au début du tournage. Cela nous a poussé à filmer d’une certaine manière. Nous avions comme référence des extraits de romans classiques comme par exemple la scène du mariage de Madame Bovary. En arrivant sur le lieu d’un meeting, il nous fallait filmer les convives, le parking, les cuisines, chaque espace, chaque détail. Et pas uniquement se concentrer sur l’action. Cette façon de filmer donne à l’arrivée un sentiment de fiction. Et puis dans un second temps, nous nous sommes dit qu’il fallait soumettre cette voix-off à Bastien pour enregistrer ses réactions.
Pendant le tournage nous prenions des notes, le travail de rédaction s’est fait ensuite et a duré neuf mois. Nous avons dû faire un pré-montage car le texte devait correspondre aux images. Peu à peu, nous avons compris comment régler la voix-off. On partait d’un texte très écrit, et dès qu’il devenait sonore, il prenait trop de place par rapport à l’image, il pouvait paraître redondant. Nous avons dû raccourcir, préciser les termes, éviter les descriptions. » (Etienne Chaillou)


« Il y a des moments où l’image vient valider ce que dit la voix, parce qu’à certains moments il faut qu’il y ait la preuve par l’image. Mais parfois ce n’est pas nécessaire, l’image donne le cadre et le texte s’intéresse à ce qu’il se passe dans la tête du personnage, à ce qui est invisible. C’était un long travail d’écriture et de montage en parallèle. Mais ce n’était encore qu’un pré-montage car nous allions devoir chambouler le tout après l’étape suivante du tournage : la découverte du texte par Bastien. » (Mathias Théry)

Sortie le 5 février 2020 

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