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Notre-Dame du Nil |
Synopsis
Rwanda, 1973. Dans le prestigieux institut catholique ‘Notre-Dame du Nil’, perché sur une colline, des jeunes filles rwandaises étudient pour devenir l’élite du pays. En passe d’obtenir leur diplôme, elles partagent le même dortoir, les mêmes rêves, les mêmes problématiques d’adolescentes. Mais aux quatre coins du pays comme au sein de l’école grondent des antagonismes profonds, qui changeront à jamais le destin de ces jeunes filles et de tout le pays.
Note 3,5/5. Belle réalisation de Atiq Rahimi qui traite sans pathos le drame de riches jeunes filles tutsi . De beaux paysages, de belles images et une belle musique de jazz.
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Notre-Dame du Nil : Amanda Mugabekazi |
Critique
Après deux premiers long-métrages de fiction, Terre et cendres et Syngué Sabour, Pierre de patience, inspirés de ses propres romans, Atiq Rahimi adapte le roman en partie auto biographique d'une autre, Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga (Prix Renaudot 2012).
Les jeunes filles de l’institut catholique ‘Notre-Dame du Nil’ peuvent sourire et faire des «batailles de polochon». Elles font partie de l’élite rwandaise, leur destin est tout tracé. Elles peuvent se permettent de rêver d’une vie en Europe, comme celles de Nana Mouskouri ou de Johnny Hallyday dont les photos décorent un coin de leur dortoir. L’une d’elles à apporté du foie gras, diversement apprécié, une autre déclare que le caviar n’est pas bon ! Mais l'on voit aussi que les deux jeunes filles tutsi sont de plus en plus ostracisées par leurs petites camarades dans cette école destinée à former la future classe dirigeante du pays, et l'on perçoit se dessiner les prémisses des futurs massacres !

La plupart d’entre elles sont hutu car la législation impose que les institutions limitent à 10 % le pourcentage de Tutsi. A Notre-Dame du Nil, Veronica et Virginia constituent le « quota » autorisé.
Dans le premier chapitre du film d’Atiq Rahimi, intitulé «L’innocence », l’entente entre les lycéennes, sous l’autorité de la mère supérieure (qui est blanche) et la protection supposée de la statue de Notre-Dame du Nil. La belle scène d’ouverture sur des images d’une fille qui se baigne dans une nature souveraine, la scène onirique de danse des jeunes femmes, habillées de voiles blancs, traduit cette innocence.
Dans le premier chapitre du film d’Atiq Rahimi, intitulé «L’innocence », l’entente entre les lycéennes, sous l’autorité de la mère supérieure (qui est blanche) et la protection supposée de la statue de Notre-Dame du Nil. La belle scène d’ouverture sur des images d’une fille qui se baigne dans une nature souveraine, la scène onirique de danse des jeunes femmes, habillées de voiles blancs, traduit cette innocence.
Irruption de la violence
Mention particulière pour Pascal Gregory qui incarne avec des nuances de perversité, de retenue aristocratique et d’extravagance, toute la complexité du personnage de Monsieur de Fontenaille, ancien colon, excentrique et mystérieux.
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Notre-Dame du Nil : Albina Kirenga, Amanda Mugabekazi, Clariella Bizimana |
Verbatim du réalisateur Atiq Rahimi
La violenceLorsqu’on va aujourd’hui au Rwanda, on est surpris de voir dans le paysage et sur les visages tant de douceur et de beauté paisible, malgré leur passé sanglant. On a du mal à imaginer qu’une des
horreurs les plus atroces de l’humanité a été commise ici. Mais je n’ai pas voulu, comme dans tout ce que j’ai écrit et filmé, faire de cette horreur un spectacle de violence. D’autant plus que l’histoire
du film se passe dans un institut catholique de jeunes filles, perché en haut d’une colline, coupé de la réalité du monde. Je filme d’abord les jeunes filles dans leur rêverie et dans leur candeur ; puis lentement et progressivement, l’introduction de la politique et l’influence de la religion qui vont transformer leur univers angélique en un monde cauchemardesque.

Le sacré
Le sacré, c’est sublimer quelque chose, donc une recherche constante de la beauté. C’est une des caractéristiques de l’art sacré depuis la nuit des temps. Je voulais faire de chacune de ces 20 jeunes filles présentes dans cet institut catholique, une icône. Mais derrière cette sublimation et toute cette beauté, une violence naît peu à peu. A partir du moment où cette violence prend le dessus, plus rien n’est esthétisé. Au contraire, l’image perd soudain de sa luminosité, le cadre, son harmonie.
Tout est saccadé, heurté... La violence vient casser la beauté et la douceur du pays.La musique du film
La musique d’un film m’obsède toujours, et je peux changer d’idée en cours de route, en fonction du rythme et du ton que donne le montage au film.
Lorsque j’étais au Rwanda, j’écoutais constamment trois albums d’un trio de jazz formé par Aldo Romano, Henri Texier et Louis Sclavis. Il y a quelques années, ils ont effectué un voyage en Afrique noire. Ils s’arrêtaient dans différents villages pour jouer. Lorsque mon monteur, Hervé de Luze m’a demandé des musiques références pour le montage, je lui ai logiquement apporté quelques morceaux de ces albums. Ils sont finalement restés. C’était cette musique-là, aérienne, qui berçait mes nuits rwandaises, influençant, je crois, même ma mise en scène. Certains titres ont des noms qui trouvent d’étranges résonances avec mon film : Dieu n’existe pas, Les petits lits blancs…
Verbatim de Scholastique Mukasonga
Intégrer l’idée de mort
Notre-Dame du Nil est ma première fiction, même si tout ce que je raconte s’inspire de ma propre histoire. Mon lycée s’appelait dans la réalité Notre-Dame des Cîteaux, dans le centre-ville de Kigali et non dans les montagnes comme dans le film ou le roman. C’était une institution catholique comme la plupart des écoles au Rwanda, qui accueillait principalement les jeunes filles de l’élite du pays. Dans ma classe, il y avait la fille du premier ministre et du président. Moi, j’étais l’une des seules Tutsi à avoir eu la chance d’intégrer le secondaire, en dépit de la politique des quotas qui limitait le nombre d’élèves tutsi.
Avant d’intégrer ce lycée, je vivais à Nyamata avec ma famille. La douleur, les humiliations, les brutalités étaient partagées par tous, en commun. En tant que Tutsi vous faisiez avec, c’était presque normal. On nous a tellement répété que nous devions mourir que nous n’étions plus désormais que des « cafards » et que notre seul droit était un jour ou l’autre celui d’être tués.
Nous avions accepté et intégré cette idée de mort.

Le personnage de Virginia dans le film c’est moi !
Les premiers pogroms ont, en effet, débuté dès 1959. Quand j’arrive à Notre-Dame des Cîteaux puis ensuite à l’école d’assistante sociale à Butare au début des années soixante-dix, je me retrouve isolée, très exposée. Je dois prendre en charge cette douleur sur mes épaules. Les miens ne sont plus là pour me protéger. C’est très violent. Le personnage de Virginia dans le roman et le film, c’est moi.
Contrairement à mes parents, j’ai survécu, je me devais donc de témoigner, pour que rien ne tombe dans l’oubli. J’ai en moi cette responsabilité très forte. Vivre ou plutôt ne pas mourir, pour pouvoir raconter.
Liste artistique
Virginia Santa Amanda Mugabekazi
Gloriosa Albina Sydney Kirenga
Immaculée Angel Uwamahoro
Veronica Clariella Bizimana
Modesta Belinda Rubango Simbi
Frida Ange Elsie Ineza
Goretti Kelly Umuganwa Teta
Fontenaille Pascal Greggory
La Mère supérieure Carole Trévoux
Dorothée Alida Ngabonziza
Godelive Solange Ngabonziza
La Reine Khadja Nin
Voix Off Florida Uwera
Intégrer l’idée de mort
Notre-Dame du Nil est ma première fiction, même si tout ce que je raconte s’inspire de ma propre histoire. Mon lycée s’appelait dans la réalité Notre-Dame des Cîteaux, dans le centre-ville de Kigali et non dans les montagnes comme dans le film ou le roman. C’était une institution catholique comme la plupart des écoles au Rwanda, qui accueillait principalement les jeunes filles de l’élite du pays. Dans ma classe, il y avait la fille du premier ministre et du président. Moi, j’étais l’une des seules Tutsi à avoir eu la chance d’intégrer le secondaire, en dépit de la politique des quotas qui limitait le nombre d’élèves tutsi.
Avant d’intégrer ce lycée, je vivais à Nyamata avec ma famille. La douleur, les humiliations, les brutalités étaient partagées par tous, en commun. En tant que Tutsi vous faisiez avec, c’était presque normal. On nous a tellement répété que nous devions mourir que nous n’étions plus désormais que des « cafards » et que notre seul droit était un jour ou l’autre celui d’être tués.
Nous avions accepté et intégré cette idée de mort.

Le personnage de Virginia dans le film c’est moi !
Les premiers pogroms ont, en effet, débuté dès 1959. Quand j’arrive à Notre-Dame des Cîteaux puis ensuite à l’école d’assistante sociale à Butare au début des années soixante-dix, je me retrouve isolée, très exposée. Je dois prendre en charge cette douleur sur mes épaules. Les miens ne sont plus là pour me protéger. C’est très violent. Le personnage de Virginia dans le roman et le film, c’est moi.
Contrairement à mes parents, j’ai survécu, je me devais donc de témoigner, pour que rien ne tombe dans l’oubli. J’ai en moi cette responsabilité très forte. Vivre ou plutôt ne pas mourir, pour pouvoir raconter.
Liste artistique
Virginia Santa Amanda Mugabekazi
Gloriosa Albina Sydney Kirenga
Immaculée Angel Uwamahoro
Veronica Clariella Bizimana
Modesta Belinda Rubango Simbi
Frida Ange Elsie Ineza
Goretti Kelly Umuganwa Teta
Fontenaille Pascal Greggory
La Mère supérieure Carole Trévoux
Dorothée Alida Ngabonziza
Godelive Solange Ngabonziza
La Reine Khadja Nin
Voix Off Florida Uwera
Sortie le 5 février 2020
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