#Critique Papicha. Beau portrait de jeunes femmes luttant contre l'obscurantisme religieux en Algérie
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Papicha |
Film présenté au festival de Cannes dans la section « Un certain regard »
Deux prix au Festival du Film Francophone d'Angoulême 2019 :
- Lyna Khoudri Valois de la Meilleure actrice
- Mounia Meddour Valois du scénario
Synopsis
Alger, années 90. Nedjma, 18 ans, étudiante habitant la cité universitaire, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux « papichas », jolies jeunes filles algéroises. La situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma décide de se battre pour sa liberté en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits.
Bien non autorisé en Algérie, il devrait représenter le pays aux Oscars.
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Papicha |
L’action se situe pendant les années noires algériennes, celles de la « décennie noire » (1991-2001). Le gouvernement annula les élections législatives de 1991 après les résultats du premier tour, prévoyant une victoire du Front islamique du salut (FIS) et voulant éviter la mise en place d’une république islamique. Une guerre civile s’ensuivit, sanglante. On comptera plus de 150 000 morts, des dizaines de milliers d’exilés, un million de personnes déplacées.
Dès la première scène on comprend les enjeux : de nuit, deux formes avancent discrètement. On a l’impression qu’elles fuient. C’est à l’abri, dans un taxi, qu’elles se transforment en deux jeunes femmes (Nedjma et Wassila) : vêtements seyants qui ne cachent pas les formes, bijoux.
C’est qu’il ne fait pas bon être femme dans l’Algérie des années noires. Un gardien de nuit tentera de violer l’une d’entre elles, une autre sera assassinée d’un coup de couteau (Linda est un hommage aux centaines de journalistes assassinés pendant cette période).
Nedjma est une "Papicha", c’est-à-dire une jeune fille belle et libérée. Son rêve, devenir styliste, a un aspect symbolique clair et fort : il s’agit de s’opposer au port du voile d’abord, et d’affirmer sa liberté, quand l’intégrisme religieux, qui se développe, veut enfermer le corps des femmes et même les enfermer tout simplement chez elles. Ce thème est «classique», ce qui n’enlève rien de son importance. Il est bien servi dans le film de Mounia Meddour dont c’est le premier long-métrage.
Dans sa volonté féministe militante Mounia Meddour y ajoute les thèmes du mariage forcé et de la grossesse hors mariage.
Lyna Khoudri, Valois de la Meilleure actrice au Festival d'Angoulême, incarne le rôle de Nedjma avec efficacité et sensibilité.
Mounia Meddour
Après des études de journalisme à la faculté d’Alger, Mounia Meddour obtient une Maîtrise en information et communication à Paris 8. En2000 elle se forme au cinéma à La Fémis et à la production au Centre Européen de Formation à la Production de Films. Elle réalise plusieurs documentaires : Tikjda : la caravane des sciences, Particules élémentaires,La Cuisine en héritage. Son documentaire Cinéma algérien un nouveausouffle s’intéresse aux jeunes réalisateurs de sa génération qui ont vécu la « décennie noire ». Son court métrage Edwige a été sélectionné dans de nombreux festivals internationaux et a remporté plusieurs prix. Son premier long métrage Papicha réalisé en 2019 a obtenu le prix Sopadin du meilleur scénario et l’aide à l’écriture du CNC. Il est sélectionné au Festival de Cannes 2019, dans la section Un certain Regard.

Papicha
Le personnage de Nedjma selon la réalisatrice
"Elle vient d’un milieu populaire. Beaucoup de filles travaillaient dur pour pouvoir vivre en cité universitaire. Pour étudier, bien sûr, mais aussi pour avoir un peu de liberté, s’éloigner du carcan familial, caractérisé par le père ou le frère. C’était un espace de liberté. Nedjma est une jeune femme combative, qui rêve de rester dans son pays. J’étais comme elle : quand on est jeune et qu’on n’a pas conscience des opportunités qu’offre l’étranger, on n’a pas envie de partir. Le départ a été difficile pour moi, il s’est fait du jour au lendemain, c’était un déracinement."
Nedjma et le déni de la menace qui monte
Mounia Meddour : "C’est comme si elle avait des œillères. Mais, même dans les moments difficiles que vivent certains pays, les gens continuent d’aller au travail, à l’école, ils continuent à s’amuser. La vie se poursuit malgré le danger. Après la mort de sa soeur Linda, la forte pulsion de vie de Nedjma se transforme en rage, qui la mène jusqu’au défilé. Nedjma n’est pas contre la religion. Elle combat les abus commis en son nom.
Créer des robes est une manière de faire le deuil. Quand on est en deuil, on a besoin d’être dans l’action. Elle ne fait son deuil qu’en revenant sur la tombe de sa soeur. Ses larmes sont alors une façon d’accepter la disparition de sa sœur, de lâcher prise. Ce n’est qu’à ce moment-là que Nedjma retrouve la paix."
Liste artistique
Nedjma Lyna Khoudri
Wassila Shirine Boutella
Samira Amira Hilda Douaouda
Kahina Zahra Doumandji
Mehdi Yasin Houicha
Madame Kamissi Nadia Kaci
Linda Meryem Medjkan
Sortie le 9 octobre
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