# Critique. La belle époque. Belle comédie romanesque qui oscille entre légèreté et mélancolie



Synopsis
Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour…

Note 4/5. Une belle brochette d’acteurs connus (Daniel Auteuil , Guillaume Canet , Doria Tillier, Fanny Ardant, Pierre Arditi, Denis Podalydès) pour une comédie bien enlevée. Direction d’acteurs remarquable.

Daniel Auteuil Guillaume Canet 

Critique
La belle époque : le propos du film serait plutôt « Le bon temps », expression dans laquelle on intercale souvent «vieux ». Justement c’est cela ; Victor voudrait bien retrouver le « bon vieux temps ». Et a de bonnes raisons pour cela : sa femme vient de le chasser de chez eux (chez « elle » dit-elle car elle paie le loyer), et le journal dans lequel il était dessinateur l’a viré. Il se retrouve seul et sans argent. Mais, heureux hasard, l’ami de son fils lui offre l’occasion de revivre quelques jours de son époque préférée. Pour lui ce sera le 16 mai 1974, le jour où il a rencontré son grand amour dans un bistrot nommé « La Belle époque ».
La reconstitution sera soignée pour être la plus réaliste possible afin que Victor ressente cette époque et ait l’illusion de renoue avec son grand amour.


Sur ce thème, celui de l’usure du temps sur les couples (déjà traité dans son premier film «Monsieur & madame Adelman), Nicolas Bedos réalise une comédie alerte, servie par de solides comédiens. Pas de temps mort, tout s’enchaîne comme dans le théâtre de Feydeau.
La prestation de Pierre Arditi est savoureuse.

  Doria Tillier 
Entretien avec Nicolas Bedos
Comment est née l’idée de La Belle Époque ?
D’une image, ou plutôt d’une situation qui m’a paruà la fois pathétique et comique : je voyais un type vieillissant, chez lui, en train de se disputer avec sa femme, elle lui reprochait sa misanthropie, son côté dépassé par l’époque, la technologie, Macron, ses enfants, bref, le type sort de la cuisine, traverse un couloir et rentre dans une petite pièce où tout le ramène dans les années 70, de la déco aux disques en passant par les vieilles cassettes VHS. Une sorte de bulle de protection régressive qu’il se serait luimême fabriqué. Je le voyais allumer une gauloise, mater une speakerine dans un vieux téléviseur en bois et pousser un soupir de soulagement. Voilà : un homme qui se noie dans le présent et qui fuit dans une époque dont les codes le rassureraient, le protégeraient. Je voulais filmer ce vertige que je ressens parfois autour de moi, cette défaite psychologique, et cette solution à la fois grotesque et assez bouleversante. Je me suis dit que cette image contenait quelques promesses de cinéma, de satire.
D’autant que cet homme m’est venu comme l’écho de quelques proches, de mon père un peu et, par certains aspects, de moi-même. J’avais donc de quoi jouer. Car le reste fut un vrai jeu scénaristique.
Et psychanalytique !

Fanny Ardant
Dans La Belle Époque, vous traitez une forme de nostalgie sociétale qui était absente de Monsieur & Madame Adelman. Qu’est-ce qui vous a poussé à la développer cette fois-ci ?
Parce que je l’observe autour de moi, y compris chez de fervents progressistes, dont certains ne savent plus trop où ils habitent ! La disparition progressive du manichéisme politique, entérinée par l’arrivée de Macron, l’emballement de la révolution technologique, la raréfaction des grands rendez-vous télévisuels donc d’un certain partage collectif en matière de culture, tout ça bouscule un peu et provoque des réflexes, sinon réactionnaires, du moins nostalgiques ! Toutes les jérémiades d’Auteuil dans le film, je me suis surpris à les dire ou à les entendre autour de moi ! Non pas que le film prenne le parti du « c’était mieux avant », il s’en amuse plutôt, d’autant que le personnage d’Auteuil évoluera jusqu’à la fin, mais je ne peux que constater ce vertige, cette anxiété dont on parlait. D’autre part, au-delà de la nostalgie d’une société révolue, c’est d’abord de sa propre jeunesse que Victor souhaite se rapprocher. Une époque qui le gratifiait davantage.


Daniel Auteuil Doria Tillier

Comment parler justement de cette opposition entre ce monde d’hier et celui d’aujourd’hui sans verser dans le discours convenu du « c’était mieux avant » ?
En soulignant, comme le fait Fanny Ardant à la toute fin du film, toutes les lacunes sociales et intellectuelles des années 70 ! Quand elle lui rappelle qu’on n’était pas si libres, qu’on écoutait aussi de la merde dans des émissions lourdingues, que les femmes pouvaient se faire violer en toute impunité mais qu’elles n’avaient pas le droit d’avorter, elle a objectivement raison. Le film se contente de décrire la nostalgie d’un homme fragile, sa nostalgie d’une époque où l’amoureux du papier qu’il est (Victor est dessinateur) voyait davantage de gens tourner les pages d’un journal, d’une BD ou d’un livre, converser et débattre que textoter des Gifs. Et puis je dois confesser que l’attrait purement cinématographique des années 70 n’était pas pour me déplaire. En tant que spectateur, j’ai de plus en plus faim d’un cinéma romanesque et visuel. Je fais des films que j’irai sans doute voir et dans lesquels je me sens bien. Un certain « ailleurs » visuel et narratif.



Liste artistique
Daniel Auteuil : Victor
Guillaume Canet : Antoine
Doria Tillier : Margot
Fanny Ardant : Marianne
Pierre Arditi : Pierre
Denis Podalydès : François
Jeanne Arènes : Amélie
Michaël Cohen : Maxime
Sortie le 6 novembre

Commentaires