Libérations sexuelles, révolutions visuelles. Un mois de cinéma enfiévré à la Cinémathèque de Paris



Rétrospective du 19 juin jusqu'au 11 juillet à l'occasion de l'exposition "Champs d'amours, 100 ans de cinéma arc-en-ciel", à l'Hôtel de Ville de Paris (du 25 juin au 28 juillet).

Une programmation de combat, abrasive et politique, pour remettre en pleine lumière les maudits et les bannis, ceux qui, caméra au poing, sont descendus dans l'arène filmer des sexualités trop longtemps restées dans l'ombre. Un mois de cinéma enfiévré, trente séances révoltées, à l'assaut aussi bien des préjugés que des carcans esthétiques. Embrasez qui vous voudrez !

LIBÉRATIONS SEXUELLES, RÉVOLUTIONS VISUELLES
« Les drag queens sont de vraies révolutionnaires qui baisent les codes visuels du genre. » (David Wojnarowicz)


Kiki
Faute de toute possible exhaustivité, en deuil même d'une quelconque exemplarité, nous avons pris le parti des combattants et des parias, celui des films les plus engagés tant politiquement qu'esthétiquement. Les films pour lesquels il a fallu aller en prison (Jonas Mekas pour Un Chant d'amour), ceux qui ont subi ou bravé la censure (Race d'Ep, Ixe, Baise-moi...), ceux dont les signataires ont dû rester anonymes pendant des décennies (Pink Narcissus), ceux qui ont provoqué la ruine de leurs auteurs (Salomé), ceux qui émergent à peine de l'oubli (André Almurò, José Rodrìguez Soltero, Frank Simon...), ceux qui ignorent superbement les circuits usuels de la visibilité (à peu près tous), ceux qui reviennent de chez l'ennemi (Tearoom), ceux qui n'espéraient rien pour eux-mêmes et tout pour autrui, bref tous ceux qui en raison de leur courage, de leur beauté, de leur énergie, ont défié leur époque et ainsi contribué à délivrer la nôtre.

Ces films luttent sur tous les fronts : tournés dans les manifestations de rue (Le Lézard du péril mauve et Ortie 14, Les Panthères roses, Collectif 360° et même plus), rendant compte de la force de la transphobie (L'Ordre des mots, Vos papiers), construisant des intersections avec les luttes féministes (Born In Flame), antiracistes (Charles Lofton), anti-impérialistes (Jean Genet raconté par Michèle Collery), ou de classes (Le Droit du plus fort), célébrant la fraternité (Tongues Untied) et l'amour (RV mon ami, Théo et Hugo dans le même bateau), même au cœur d'un combat contre une épidémie de sida qui n'en finit pas. Ils proposent une multitude de nouvelles esthétiques : élaborées à partir de représentations absentées ou refoulées (Kenneth Anger, Jack Smith, Farrah Diod) ou à l'assaut contre les prescriptions dominantes (Roger Jacoby, Gregg Bordowitz, William E. Jones). S'y entendent les récits de vies qui ne sont jamais racontées (Kiki), s'y révèlent les corps (Paradis perdu, Baby You're Frozen) et les sexualités (Équation à un inconnu, Holding) trop longtemps contraints à l'invisibilité, s'y épanouissent les unica (Chantal Akerman, Curt McDowell, Sothean Nhieim, Mathieu Morel), se déchaînent les archétypes (Jean Cocteau, Maria Klonaris & Katerina Thomadaki, Nagisa Ōshima, Angela Marzullo).

Avant j'étais triste
À l'inverse des œuvres présentées dans l'ouvrage de référence de Vito Russo The Celluloid Closet (1981), ces films ont mis le feu à tous les placards. Tel un phœnix visuel, chaque film renaît des cendres de ce vieux monde pour en proposer un nouveau : « Comme il n'y a pas de réalisatrice lesbienne dont je puisse étudier la vie et le travail, j'étudierai ma propre vie et, ce faisant, tenterai de combler le vide de l'histoire lesbienne pour les lesbiennes du XXIe siècle. » (Barbara Hammer, « Cinémas homosexuels », CinémAction n° 15, 1981). À partir de cette renaissance, s'écrit une nouvelle histoire et une autre histoire des images (L Is for the Way You Look) qui peine encore à se pérenniser au sein d'institutions patrimoniales (Rien n'oblige à répéter l'histoire). Les films établissent leurs propres et véritables histoires critiques (Race d'Ep, Jonathan Caouette), contestent une expérience homosexuelle hégémonique (Jean-Gabriel Périot), proposent des approches non occidentales du genre, du désir et de la sexualité (Naptwe, Tejal Shah, Akosua Adoma Owusu, Akram Zaatari), créent leurs propres formes d'énergie étayant la survie en contexte hostile (Le Projet Sextoy, The Shakedown).
Jean Genet, un captif amoureux, parcours d'un poète combattant
« Oser vaincre le robot ou le flic que le capitalisme a voulu faire de chacun ou chacune de nous. Réapprendre à aimer, à jouir, à être ensemble, à créer notre vie, à faire la révolution par tous les moyens. » (Tout, organe du Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire, mai 1971)
Extrait du texte de présentation de Nicole Brenez, Stéphane Gérard

Note : les titres des séances sont tous empruntés à Oscar Wilde, Salomé (1891).

LES FILMS

ON DIRAIT QU'ELLE DANSE


C'EST BIEN DIT, MA FILLE


IL NE FAUT REGARDER QUE L'AMOUR


CE N'EST PAS UNE CHOSE QU'UNE VIERGE DOIVE REGARDER


J'AI SOIF DE TA BEAUTÉ, J'AI FAIM DE TON CORPS


COMME LA PRINCESSE SALOMÉ EST BELLE CE SOIR !


IL N'Y A RIEN AU MONDE D'AUSSI BLANC QUE TON CORPS


QU'EST-CE QUE C'ÉTAIT ? AH ! JE M'EN SOUVIENS !


IL PEUT FAIRE TOUT CELA S'IL LE VEUT


LE MYSTÈRE DE L'AMOUR, PLUS GRAND QUE LE MYSTÈRE DE LA MORT


QUE LES CAPITAINES DE GUERRE LA PERCENT DE LEURS ÉPÉES


N'EST-CE PAS QU'ELLE SERAIT TRÈS BELLE COMME REINE ?


C'EST AINSI QUE J'ABOLIRAI LES CRIMES DE DESSUS LA TERRE


ANGE DU SEIGNEUR DIEU, QUE FAIS-TU ICI AVEC TON GLAIVE ?


UNE PRINCESSE AUX PIEDS COMME DES PETITES COLOMBES BLANCHES


ILS NE CROIENT QU'AUX CHOSES QU'ON NE PEUT PAS VOIR


AS-TU PEUR DE MOI, QUE TU NE VEUX PAS ME REGARDER ?


QUI EST CETTE FEMME QUI ME REGARDE ?


QUI ÉCLATE DANS LA BEAUTÉ DE SES VÊTEMENTS ?


C'EST POUR MON PROPRE PLAISIR


ÉTAIT-CE LA SAVEUR DU SANG OU CELLE DE L'AMOUR ?


BATTEMENT DES AILES DE L'ANGE DE LA MORT


ON DIRAIT QUE CES FLEURS SONT FAITES DE FEU


IL NE FAUT REGARDER QUE DANS LES MIROIRS


UNE GRANDE FOULE LE SUIVAIT, IL AVAIT MÊME DES DISCIPLES


NE TE RÉJOUIS POINT, TERRE DE PALESTINE


PEUT-ÊTRE EST-CE LA SAVEUR DE L'AMOUR ?


JE TE DONNERAI TOUT CE QUE TU DEMANDERAS, SAUF UNE CHOSE


LES SIRÈNES COUCHENT SOUS LES FEUILLES DANS LES FORÊTS


ENFIN, IL EST LE MAÎTRE


REFLETS D'UNE ROSE BLANCHE DANS UN MIROIR D'ARGENT


HOMMES PEINTS, IMAGES TRACÉES AVEC DES COULEURS




EXPOSITION À L'HÔTEL DE VILLE DE PARIS

Champs d'amours, 100 ans de Cinéma Arc-en ciel
En collaboration avec La Cinémathèque française.

Comédies populaires, documentaires, biographies, films rares et militants, histoires d’amour du monde entier : pour la première fois, une exposition met en lumière (toutes) les couleurs du cinéma arc-en-ciel et révèle la multiplicité d’angles sous lesquels les homosexualités et les transidentités ont été abordées à l’écran durant un siècle.
Salle Saint-Jean, entrée gratuite
Du 25 juin au 28 septembre de 10h à 18h30 sauf dimanche et jours fériés.



Libérations sexuelles, révolutions visuelles - Bande annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.

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