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Agnès Varda |
Toujours présente, toujours actuelle
Elle a été la réalisatrice de la Nouvelle Vague, elle l'a même précédée. Elle débute comme photographe avant de réaliser son premier long métrage de fiction en 1954, La Pointe courte, remarqué pour l'audace de sa mise en scène. Cléo de 5 à 7, en 1962, témoigne d'une liberté de ton et de style en même temps qu'il participe d'une transformation de la pratique du cinéma menée tambour battant par une nouvelle génération. Cinéaste féministe, elle n'a cessé de passer et repasser les frontières entre fiction et documentaire, essai et récit : Le Bonheur, Documenteur, Mur murs, Sans toit ni loi, Les Glaneurs et la glaneuse, Les Plages d'Agnès...![]() |
Les Plages d'Agnes VArda |
Grande retrospective à la Cinémathèque française
Cette retrospective commence avec la magnifique copie restaurée de Sans Toit ni Loi avec Sandrine Bonnaire, SDF errante sur les routes de France, en quête désespérée d'amour.
Un geste libre
L’oeuvre d'Agnès Varda a une amplitude protéiforme. Elle a travaillé et joué avec toutes les possibilités du cinéma : courts et longs métrages, fictions et documentaires, noir et blanc et couleurs, argentique et numérique... Son travail a fini par déborder des limites du champ du cinéma, jusque dans les espaces de la Fondation Cartier ou sous le dôme vénérable du Panthéon à l'occasion de la cérémonie d'hommage aux Justes de France.
Cette ouverture à toutes les possibilités techniques de son outil est allée de pair avec une curiosité insatiable des gens et des lieux : si Varda a beaucoup filmé «local», de Sète où elle a vécu son adolescence (La Pointe courte) à son cher « village » du 14e arrondissement de Paris (Cléo de 5 à 7, Daguerréotypes, Les Plages d'Agnès...), elle a aussi quadrillé le territoire français (Sans toit ni loi, Les Glaneurs et la glaneuse, Visages, villages...) et s'est aventurée jusqu'en Californie (Lions Love, Mur murs, Documenteur...), sans oublier ses voyages vers un pays plus abstrait et mental qui s'appelle le cinéma (Jacquot de Nantes, Les Demoiselles ont eu 25 ans, Les Cent et une nuits).
Sur tous les fronts
Du cinéma voyageur d'Agnès Varda, on pourrait dire qu'il a souvent été « politique » car la cinéaste a toujours été attentive aux évolutions sociétales de son époque. Cette façon sensible et artistique de s'engager dans les ondes progressistes du monde, on peut la mesurer dans ses films californiens. À l'heure où la France peinait à sortir de la grisaille gaullienne malgré les quelques acquis de Mai 68, Varda filmait la tentative de réinvention du couple et du rapport au travail (Lions Love), la façon nouvelle dont la créativité plastique s'imprimait à même les murs des villes (Mur murs), l'énergie révolutionnaire d'une minorité opprimée (Black Panthers). En cette dernière partie des années 1960, toutes les luttes d'émancipation semblaient converger : anti-impérialisme, anticapitalisme, antiracisme, antinationalisme... Varda répondait présent en cinéaste, en filmant ces combats par les voies du documentaire ou de la fiction, avec empathie mais sans jamais donner la leçon au spectateur, pratiquant un cinéma de proposition plutôt que d'injonction.
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L'une chante, l'autre pas |
Une icône de la cause des femmes
Dans ce faisceau de convergences progressistes, il convient d'ajouter le féminisme. Féministe, Varda l'était (et l'est) d'abord ontologiquement : nul besoin de militer dans un groupe, de prêcher la cause ou de brandir un drapeau quand on a empoigné une caméra dans les années 1950, mené avec succès une carrière de cinéaste indépendante, quand on est devenu sa propre productrice et détentrice de ses droits, qu'on a été la seule femme de la Nouvelle Vague (section rive gauche) et pendant longtemps l'une des rares femmes ayant imprimé son nom dans le firmament des grands cinéastes. Cet engagement et cette réussite dans le cinéma suffiraient à faire d'Agnès Varda une pionnière, une icône de la cause des femmes. Pour autant, elle a aussi fait circuler dans ses films un féminisme ferme mais néanmoins doux, joyeux, toujours en dialogue avec les hommes. Cela s'est manifesté par le choix de personnages principaux féminins forts (Cléo de 5 à 7, Sans toit ni loi...) mais si on devait retenir un film de Varda incarnant cette dimension de son travail, ce serait L'Une chante, l'autre pas : la chronique d'une amitié entre deux femmes sur une vingtaine d'années passant en revue le couple, la famille, l'avortement alors illégal, le planning familial, le retentissant procès de Bobigny (où Gisèle Halimi avait signé une célèbre plaidoirie en forme d'éditorial en faveur des droits des femmes)... À l'heure de #metoo, L'Une chante, l'autre pas est le film à montrer à celles et ceux qui souhaiteraient avoir une idée de ce que fut l'histoire des luttes féminines en France.
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Cléo de 5 à 7, Agnes Varda |
Artiste engagée, Varda l'est par le cinéma. Le propos de Varda, qu'il soit intimiste ou sociétal, a toujours été inscrit dans une recherche plastique, une quête esthétique, un souci d'invention formelle. Dès son premier film (La Pointe courte), Varda mélange l'introspection d'un couple en difficulté avec un regard quasi documentaire sur un quartier de pêcheurs de Sète, soit l'artifice d'une certaine théâtralité inséré dans le naturel du monde tel qu'il est et s'offre au regard. Dans Cléo de 5 à 7, elle expérimente un autre aspect fondamental du cinéma, le temps, en filmant sa fiction en temps réel, un choix théorique d'autant moins gratuit et d'autant plus pertinent que l'héroïne croit son temps de vie compté. Avec Le Bonheur, exploration audacieuse de la figure du triangle amoureux et de la famille, Varda se fait coloriste inspirée, peut-être sous l'influence du mouvement hippie naissant et sans doute aussi sous celle de son compagnon, Jacques Demy : une palette de couleurs printanières qui s'allie parfaitement avec la psyché tranquillement polyamoureuse du personnage masculin mais contraste violemment avec la souffrance et le sombre destin d'un des deux personnages féminins.
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Sandrine Bonnaire dans Sans toit ni Loi, "Elle m'a permis d'exister" (A. Varda) |
Arpenteuse du cinéma, libre et curieuse de tous les genres, Varda s'est aussi aventurée à la lisière d'un fantastique conceptuel à la Resnais (l'un de ses compagnons de la branche « rive gauche » de la Nouvelle Vague) dans Les Créatures, son film sans doute le plus étrange, où les personnages semblent manipulés comme les pièces d'un jeu d'échecs. À l'opposé de ces « créatures », Documenteur chronique un moment de sa vie à Los Angeles en mélangeant autobiographie et fiction un peu à la façon des autofictions littéraires. Éclectique, le style de Varda aura oscillé entre naturalisme et fantasmagorie, simplicité et sophistication, réalisme et distanciation, captation du monde tel qu'il est et bricolages conceptuels, trouvant sa cohérence dans l'audace, la fantaisie, le ludisme, le souci de ne jamais en imposer.
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L'Univers de Jacques Demy
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AV/JLG
Difficile d'écrire sur Agnès Varda sans mentionner Jacques Demy, l'homme de sa vie, à qui elle a consacré trois beaux films : la bio fictionnée Jacquot de Nantes, le documentaire sur son travail L'Univers de Jacques Demy, et le retour à Rochefort pour Les Demoiselles ont eu 25 ans. Néanmoins, on a envie de terminer en rapprochant Varda d'un autre homme de cinéma, plus éloigné d'elle mais aussi à certains égards assez proche : peu de rapport a priori entre les collages disruptifs de Jean-Luc Godard et les assemblages harmonieux d'Agnès Varda, et pourtant... Comme JLG, Varda n'a eu de cesse de se servir des nouveaux outils technologiques qui permettent de pratiquer un cinéma-essai (ou cinéma-poème) en toute légèreté et liberté. De ce point de vue, Les Glaneurs et la Glaneuse, Les Plages d'Agnès ou Visages, villages sont bien les contemporains de Film socialisme, Adieu au langage ou Le Livre d'image. Autre point de contact, la dimension burlesque : Varda a fini par s'inventer en personnage de cinéma, petite mamie ronde à la tonsure pourpre dont l'esprit comique et cartoonesque rappelle la silhouette Godard (calvitie, grandes lunettes et cigare) et sa prestation en Oncle Jeannot dans Prénom : Carmen. C'est d'ailleurs le burlesque qui les avait réunis, Godard (et Karina) jouant dans Les Fiancés du pont Mac Donald, le faux film muet inséré dans Cléo de 5 à 7. Dans Visages, villages, à l'autre bout de sa filmographie et de sa vie, Varda embarque JR à la recherche de JLG, comme une ultime tentative de se retrouver après avoir fait une longue route de cinéma chacun de son côté.
D’après Serge Kaganski
LES FILMS
De nombreuses séances seront précédées de films ou d'extraits de films surprises.
- 3 boutons (Les) Agnès Varda / France / 2015 CM Di 27 jan 17h15
- 7 p., cuis., s. de b., ... à saisir Agnès Varda / France / 1984 CM Lu 28 jan 14h30
- Agnès de-ci de-là Varda Agnès Varda / France / 2008 Me 23 jan 16h30Ve 25 jan 17h00
- Black Panthers Agnès Varda / France / 1969 CM Je 24 jan 20h00
- Bonheur (Le) Agnès Varda / France / 1964 Ve 18 jan 19h00
- Cent et une nuits (Les) Agnès Varda / France / 1994 Sa 26 jan 20h30
- Cléo de 5 à 7 Agnès Varda / France / 1961 Sa 19 jan 17h00
- Créatures (Les) Agnès Varda / France-Suède / 1965 Ve 18 jan 17h00
- Daguerréotypes Agnès Varda / France / 1975 Lu 28 jan 14h30
- Demoiselles ont eu 25 ans (Les) Agnès Varda / France / 1992 Sa 26 jan 17h00
- Deux ans après Agnès Varda / France / 2002 Di 20 jan 17h30
- Documenteur Agnès Varda / France / 1980 Ve 25 jan 20h30
- Glaneurs et la glaneuse (Les) Agnès Varda / France / 1999 Di 20 jan 14h30
- Jacquot de Nantes Agnès Varda / France / 1990 Sa 26 jan 14h30
- Jane B. par Agnès V. Agnès Varda / France / 1987 Di 27 jan 19h15
- Kung-fu Master Agnès Varda / France / 1987 Di 27 jan 21h30
- Lions Love Agnès Varda / Etats-Unis / 1969 Sa 19 jan 14h30
- Mur murs Agnès Varda / France-République fédérale d'Allemagne / 1980 Je 24 jan 20h00
- Nausicaa Agnès Varda / France / 1970 Ve 18 jan 14h30
- Oncle Yanko Agnès Varda / France / 1967 CM Ve 25 jan 20h30
- Plages d'Agnès (Les) Agnès Varda / France / 2006 Je 24 jan 14h30
- Pointe Courte (La) Agnès Varda / France / 1954 Je 17 jan 17h00
- Réponses de femmes Agnès Varda / France / 1975 CM Me 23 jan 19h00
- Sans toit ni loi Agnès Varda / France / 1985 Me 16 jan 20h00
- Une chante, l'autre pas (L') Agnès Varda / France-Belgique / 1976 Me 23 jan 19h00
- Univers de Jacques Demy (L') Agnès Varda / France / 1995 Sa 26 jan 18h30
- Visages, villages Agnès Varda / France / 2016 Di 27 jan 17h15
LES COURTS MÉTRAGES « TOURISTIQUES »
- Du côté de la côte Agnès Varda / France / 1958 CM Ve 18 jan 21h45
- Ô saisons, ô châteaux Agnès Varda / France / 1956 CM Ve 18 jan 21h45
- Plaisir d'amour en Iran Agnès Varda / France / 1977 CM Ve 18 jan 21h45
CINÉVARDAPHOTO
- Salut les Cubains Agnès Varda / France / 1964 CM Me 23 jan 14h30
- Ulysse Agnès Varda / France / 1982 CM Me 23 jan 14h30
- Ydessa, les ours et etc. Agnès Varda / France / 2004 CM Me 23 jan 14h30
LES COURTS MÉTRAGES PARISIENS
- Dites cariatides (Les) Agnès Varda / France / 1984 CM Lu 28 jan 16h45
- Elsa la rose Agnès Varda, Raymond Zanchi / France / 1966 CM Lu 28 jan 16h45
- Fiancés du pont Mac Donald (Les) Agnès Varda / France / 1961 CM Lu 28 jan 16h45
- Lion volatil (Le) Agnès Varda / France / 2003 CM Lu 28 jan 16h45
- Opéra-Mouffe (L') Agnès Varda / France / 1958 CM Lu 28 jan 16h45
- T'as de beaux escaliers, tu sais Agnès Varda / France / 1986 CM Lu 28 jan 16h45
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