Innovation, monopole, exploitation : jusqu’où ira Jeff Bezos, patron d' Amazon ?

jusqu’où ira Jeff Bezos, patron d' Amazon ?

Innovation, monopole, exploitation : jusqu’où ira Amazon, plate-forme tentaculaire de vente en ligne ?
Au travers de la croissance exponentielle de ce géant, un décryptage de l’économie opaque d’Internet.


Mardi soir 20 h 50 sur ARTE Thema

Géant devenu incontrôlable du commerce en ligne, Amazon a transformé en moins d’un quart de siècle la société. Fondée à l’aube de l’explosion des affaires sur Internet par Jeff Bezos, – lui-même grandi dans l’ombre de David Elliott Shaw, un génie de la finance et de l’informatique –, l’entreprise commence modestement dans un pavillon des faubourgs de Seattle : l’aube d’un rêve américain. Car la petite plate-forme de vente en ligne ne tarde pas à être capitalisée par des investisseurs auxquels le très pressé Jeff Bezos, obsédé par la croissance, fait miroiter de juteux profits. Jaloux de sa situation prédominante, Amazon prétend aussi émanciper l’individu, quitte à rompre avec les relations sociales traditionnelles – et à exploiter ses employés sans visage, précaires et sous-payés (dont le salaire horaire vient cependant d'être revalorisé). 


Un modèle ultralibéral bien loin du projet des précurseurs de la Silicon Valley. Collectant et analysant au passage de précieuses données individuelles, le monstre tentaculaire, omniprésent dans les foyers, ambitionne en outre, via son pôle Amazon Web Services, de s’imposer en fournisseur de services, y compris publics, des renseignements aux prestations santé. Pratiquant une optimisation fiscale féroce, cet acteur majeur de l’approvisionnement et de l’intelligence artificielle refuse aussi de financer des infrastructures, notamment routières, qu’il utilise pourtant abondamment. Amazon excelle enfin à contourner les lois antitrust, même si son essor international est aujourd’hui freiné par la règlementation européenne et, en Asie, par les appétits de son rival Alibaba. Mais Jeff Bezos a déjà d’autres perspectives : coloniser l’espace avec son projet Blue Origin.


Joueur de flûte
Filant la métaphore avec Le joueur de flûte de Hamelin, ce documentaire éclairant retrace la fulgurante ascension d’Amazon, pur produit de l’idéologie libérale, et montre combien Internet a été bâti sur une vision américaine et capitaliste du monde. Émaillée d’analyses d’experts, dont le très pertinent journaliste américain Noam Cohen ou la commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager, une plongée glaçante dans les méandres opaques de la société numérique, qui alerte sur l’urgence d’instaurer des instances de contrôle.

Documentaire de David-Carr Brown (Allemagne, 2018, 1h26mn) - Coproduction : ARTE/RBB, Pumpernickel Films



Du lancement de sa librairie en ligne à celui de sa première fusée dans l’espace, Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, étend son influence tous azimuts. Retour sur une ascension au rythme aussi effréné que celui du Web.
En devenant, en octobre dernier, l’homme le plus riche du monde, détrônant, au classement Forbes, Bill Gates grâce à une fortune aux alentours de 160 milliards de dollars, Jeff Bezos a rajouté une pierre, précieuse, à sa légende. Celle d’un adolescent américain, passionné de science-fiction et doué en maths, qui a grandi en même temps qu’Internet.


Son histoire galvanise les jeunes "start-upers". En 1994, alors qu’il est promu, à seulement 30 ans, vice-président d’un fonds spéculatif, le jeune Jeffrey décide de lâcher Wall Street et son salaire mirobolant pour s'aventurer dans le Far West du Web. Fasciné par la vitesse de croissance de ce secteur, l’ex-banquier met le cap à l’ouest pour faire germer son idée dans le garage d’un pavillon de Seattle. Un an plus tard, ce qu’il aspire à voir devenir la plus grande librairie en ligne du monde est né. "Quand j’ai lancé Amazon, nous étions une poignée de personnes. Je livrais les colis moi-même, avec l’espoir de pouvoir m’acheter un jour un chariot élévateur", raconte aujourd’hui le PDG, qui entretient savamment son mythe.

L'ogre demande la lune 
En quelques années, sa start-up devient un rouleau compresseur, qui se diversifie à tout-va, attire les investisseurs et lui vaut, dès 1999, le titre de personnalité de l’année décerné par l’hebdomadaire Time Magazine. En réinvestissant systématiquement ses bénéfices dans l’entreprise, l’ogre de la vente en ligne ne cesse de se déployer dans tous les domaines : les data, le streaming vidéo et audio, la publicité et bientôt le marché de la santé. Peu importe les critiques que lui valent les conditions de travail chez Amazon – en 2014, il reçoit le prix de pire patron au monde par la Confédération syndicale internationale –, Jeff Bezos veut continuer son ascension. Après avoir conquis la planète, investi dans des dizaines d’entreprises, dont Google, Twitter, Airbnb, et racheté le Washington Post, cet inconditionnel de Star Trek vise désormais l’espace. Sa nouvelle obsession se nomme Blue Origin, une compagnie qui veut développer le tourisme spatial en cassant les coûts grâce à des fusées réutilisables. Désireux d’œuvrer pour l’humanité, Jeff Bezos envisage également de coloniser la Lune, grâce à un service de fret qui permettrait d'y déplacer une part de nos industries, et, à terme, de sauver la Terre. Rien de moins.
Par Laetitia Moller

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