Vaste hommage à Youssef Chahine à La Cinémathèque française de Paris

Mohamad Atef et Dahlia Younes dans Adieu Bonaparte
 Exposition et rétrospective consacrées au cinéaste égyptien du 14 novembre au 28 juillet 2019 
Le cinéma de Youssef Chahine (1926-2008), au carrefour des cultures, est un hymne à l’amour, à l’espoir et à la joie de vivre.Youssef Chahine est une figure incontournable, un nom indélébile, une voix qui s'élève et qu'on associe presque inconsciemment à l'Orient, au monde arabe, au tiers-monde. Il incarne un cinéma engagé, qui mêle divertissement et combat, et qui porte les nuances d'un caractère complexe, souvent mal compris, parfois mal aimé.

L’EXPOSITION
Cette exposition retrace les moments marquants de sa carrière, de ses débuts fougueux dans le music-hall, à son engagement et ses relations tumultueuses avec le pouvoir, pour aboutir à la consécration et la reconnaissance internationale. Grâce aux archives inédites conservées à La Cinémathèque française, il devient possible de plonger au coeur d’un processus singulier de création. Relever ses influences, comprendre ses convictions et deviner ses aspirations sont autant d’éléments qui permettent de mieux déchiffrer l’univers chahinien.

Les débuts : ferveur et désillusion Youssef Chahine commence sa carrière par la comédie musicale. C’est alors une industrie en plein essor avec ses illustres danseuses-chanteuses qu’on met à l’affiche. Il réalise Papa Amine (1950) avec Faten Hamama, La Dame du train (1953) avec Laïla Mourad, Femmes sans hommes (1953) avec Hoda Soltane, Adieu mon amour (1957) et C’est toi mon amour (1957) avec le fameux duo Farîd el-Atrache et Chadia. Au même moment, il s’essaie au mélodrame et réalise Le Fils du Nil (1951) ainsi que trois autres films avec un jeune homme nommé Omar Sharif qu’il découvre et propulse dans Ciel d’enfer (1954), Le Démon du désert (1954) et Les Eaux noires (1956).
En quête de sens, Chahine se tourne ensuite vers le néoréalisme et signe son premier film d’auteur : Gare centrale (1958). Ce long métrage marque un véritable tournant dans l’esthétique du cinéaste. Puis, il découvre l’engagement, d’abord dans le nassérisme qui a le vent en poupe en pleine décolonisation du "Tiers-monde". Il réalise Saladin (1963) sur commande de l’État égyptien, qui connaît un succès fulgurant. Sollicité par l’Union soviétique, il réalise Un jour le Nil (1968), un film exaltant la coopération entre les deux pays socialistes qui aboutit à l’édification du barrage d’Assouan. Mais Moscou fait interdire le film. Chahine est contraint de modifier son montage. Très vite, le cinéaste étouffe dans la pensée unique ; il s’exile au Liban où il tourne l’opérette Le Vendeur des bagues (1965), une bouffée d’air avec la diva Fayrouz sur une musique sublime des frères Rahabani. Mais son pays lui manque, d’autant plus que la débâcle de la guerre des Six Jours le met face à ses responsabilités d’artiste engagé dans une Égypte qui doute.
Après 1967, le cinéma chahinien apparaît sous un nouveau jour, celui de la critique politique ouverte. Le metteur en scène veut guérir en profondeur les maux de sa société, loin des flatteries lyriques d’un patriotisme vide. Il réalise alors son « quatuor de la défaite » : La Terre (1969), Le Choix (1970), Le Moineau (1974), puis Le Retour de l’enfant prodigue (1976) avec lequel il inaugure un genre cinématographique nouveau, "la tragédie musicale". Les moments musicaux lénifiants n’ont plus lieu d’être ; ils sont remplacés par une musique engagée, porteuse de messages de réforme, de révolte et de liberté.

Le retour aux sources Avec Alexandrie Pourquoi ? (1979), Chahine signe un film autobiographique qui célèbre le souvenir d’une jeunesse insouciante. Une nouvelle fois, il réinvente son style qui jongle désormais librement avec les genres ; il crée, selon Yousry Nasrallah, "quelque chose de plus libre, qui suit ses propres harmoniques". Suivra un deuxième film autobiographique, La Mémoire (1982), où il met en scène Oum Kalsoum en concert, en couleurs, sept ans après sa mort !
Adieu Bonaparte (1985), avec Patrice Chéreau et Michel Piccoli, ouvre la voie à une tradition de coproductions franco-égyptiennes. Puis, vient Le Sixième Jour (1986), un drame avec Dalida, et un autre film autobiographique, Alexandrie encore et toujours (1990).

Patrice Chéreau dans  Adieu Bonaparte (1985) 
Le divertissement de combat
L’engagement, le péplum pharaonique et les arts de spectacle (chant et danse) sont réunis dans L’Émigré (1994), film inspiré du récit biblique de Joseph et ses frères. Accusé de profanation de figures sacrées, Chahine connaît la foudre des fondamentalistes musulmans et chrétiens, qu’il arrive ironiquement à réunir contre lui. Face à cet intégrisme religieux rampant des années 1990, Chahine se réfugie auprès de la figure d’Averroès, dans Le Destin (1997), qui rencontre un très bon accueil de la critique lui valant le prix du 50ème anniversaire du Festival de Cannes. Dans L’Autre (1999), le cinéaste met à l’honneur l’intellectuel de renom Édouard Saïd pour pointer du doigt les conséquences d’une mondialisation sauvage. Il revient à un registre plus léger de "pure" comédie musicale avec Silence... on tourne (2001) et Alexandrie... New York (2004) à contenu autobiographique. Il finit sa carrière avec un drame, Le Chaos (2007), où il met en scène la révolte du peuple contre le pouvoir ; film que certains en Égypte qualifieront de prophétique.


LA RETROSPECTIVE
Une importante campagne de sauvegarde des films de Youssef Chahine, menée par plusieurs institutions françaises et internationales a rendu possible cet hommage, fait en deux périodes, du 14 au 25 novembre 2018 puis en mars 2019.
Par ailleurs, 12 films de Youssef Chahine en version restaurée ressortent en salle à partir du 14 novembre.

LES FILMS


RENCONTRES ET CONFÉRENCES



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