Rediffusion le jeudi 16 août à 20h55 sur ARTE
D’étranges lettres anonymes ciblent les habitants d’une rue londonienne en voie de gentrification. Sous forme de portrait de groupe, une mini série aussi drôle qu’acerbe sur la société britannique contemporaine, l’adaptation du best-seller de John Lanchester Chers voisins.Meilleure mini-série aux International Emmy Awards 2016
ENTRETIEN AVEC LE SCÉNARISTE PETER BOWKER
Peter Bowker est un scénariste britannique très renommé outre-Manche à qui l’on doit notamment les séries Occupation, Monroe ou encore D’une vie à l’autre, toutes diffusées sur ARTE. Récemment, il est aussi à l’origine de The A Word, une série sur l’autisme.
Comment avez-vous été impliqué dans ce projet ?
Peter Bowker : J’étais en train de lire Capital* quand le producteur Derek Wax, avec lequel j’ai déjà collaboré, me l’a justement envoyé. Il ne m’avait pas traversé l’esprit que ce roman pût être adapté, compte tenu de ses nombreux monologues intérieurs. Mais le défi m’a d’autant plus stimulé. J’admirais John Lanchester, qui écrit à la manière d’un économiste, et j’étais enthousiaste à l’idée de le rencontrer. Plus je découvrais le livre, plus je m’apercevais des similitudes avec Dickens, dans sa façon de capturer l’instant et de montrer de quelle façon les grandes décisions affectent le quotidien. Partir des gens d’en bas, les premiers touchés par celles-ci, accentue la dimension dramatique.
Comment êtes-vous parvenu à adapter le roman ?
J’ai compris qu’il me faudrait sacrifier certaines intrigues. Pour autant, je souhaitais conserver l’esprit du livre, avec son extraordinaire diversité de personnages et d’événements. Dans Pepys Road, des gens de différents milieux vivent, travaillent et se croisent dans une unité de lieu. Comment leur appartenance sociale influe-t-elle sur leurs vies ? Je voulais aussi parvenir à capter l’humour et l’humanité du livre et, à travers ce filtre, explorer des enjeux politiques et économiques plus larges.
Comment décririez-vous la série ?
Ce qu’il y a de formidable, c’est qu’elle fonctionne à différents niveaux. Au départ, les habitants d’une rue de Londres reçoivent tous le même jour une carte postale portant l’inscription : «Nous voulons ce que vous avez.» Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Ces messages deviennent le moteur de l’histoire et permettent de révéler la vraie nature des personnages. Le spectateur pénètre ainsi leurs existences et leurs parts d’ombre. Ce mystère, qui plane en filigrane dans chaque scène, apporte à la série son côté jubilatoire.
Avez-vous un moment préféré dans la série ?
Je tenais à ce que mes scènes favorites dans le livre le restent aussi dans l’adaptation. Je suis ravi, par exemple, qu’Euros Lyn, le réalisateur, ait brillamment réussi celle où le banquier Roger, le matin de Noël, se retrouve seul pour s’occuper de ses deux enfants, après que sa femme l’a quitté. C’est mis en scène avec un incroyable sens de la comédie, dans l’esprit de Basil Fawlty**, où l’humour et le drame fonctionnent ensemble, mais à des niveaux différents. J’aime aussi beaucoup les repas chaotiques chez les Kamal, quintessence d’archétypes familiaux, interprétés avec un panache comique, ou encore la conversation entre Bogdan, l’ouvrier polonais, et Matay, la nounou hongroise, à propos des Londoniens aisés pour lesquels ils travaillent. Si la série s’impose par son ampleur, la nature humaine est décortiquée à travers ces fragments de quotidien.
* Roman de John Lanchester paru en français sous le titre Chers voisins (Points-Seuil).
** Le personnage de John Cleese dans une célèbre sitcom anglaise des années 1970, Fawlty Towers.
auteur LAURE NAIMSKI (pour Arte Magazine)
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