La soprano Aida Garifullina ouvre en beauté la coupe du Monde de Football


Aida Garifullina

Originaire de Kazan, capitale de la République du Tatarstan en Russie, la soprano se produira lors de la cérémonie d’ouverture, jeudi 14 juin à Moscou. Robbie Williams fera chanter la foule et les millions de téléspectateurs à travers la planète, avant que la fameuse soprano russe Aida Garifullina ne le rejoigne sur scène pour cette grandiose introduction musicale.




Mais qui est Aida Garifullina ?
Aida Garifullina, soprano lauréate du Concours Operalia, est née en 1987 dans une famille tatare à Kazan, capitale de la République du Tatarstan dans la Fédération de Russie, à quelques huit cents kilomètres de Moscou. 
Dès le plus jeune âge, elle démontre un talent vocal hors du commun et sa mère, chef de chœur, l’encourage à prendre des leçons de chant au conservatoire local. À l’âge de dix-sept ans, elle s’installe à Nuremberg pour étudier avec l’heldentenor Siegfried Jerusalem, puis, deux ans plus tard, elle poursuit ses études à Vienne avec la soprano américaine Claudia Visca. Evidemment son label Deutsche Grammophon, n'en perdra pas une miette !




Depuis l’obtention de son diplôme en 2011, elle partage régulièrement la scène avec Juan Diego Flórez, Dmitri Hvorostovsky, Andrea Bocelli et Plácido Domingo. Alors qu’elle est encore étudiante en Allemagne, Aida travaille sur certaines des chansons présentes sur son premier album pour Decca Classics, qui incluent deux romances : Le Lilas et Zdes khorosho de Rachmaninov, l’un des plus grands maîtres de la chanson russe. “Elles sont pleines de nostalgie et me rappelaient chez moi… j’avais dix-sept ans, le mal du pays, je pensais à mes parents et à la campagne.” 



À l’époque, elle est également inspirée par les enregistrements de la célèbre soprano Anna Moffo, chanteuse et star du cinéma, dont la carrière est une sorte d’exemple. (Elle a en outre un rapport éloigné avec celle-ci, puisque sa propre enseignante, Claudia Visca, a fait ses classes avec le professeur d’Anna Moffo.) “Moffo était unique : ses graves étaient extraordinairement riches et ses aigus, légers et somptueux. 
Sa voix possédait tellement de couleurs.” Son enregistrement de la Vocalise de Rachmaninov a été une véritable source d’inspiration. “J’ai écouté de nombreux enregistrements, mais le sien était le meilleur. Je voulais parvenir au même type de tristesse lumineuse, née de souffrance et d’espoirs insatisfaits, avec autant de beauté qu’elle.” Aida inclut régulièrement ces morceaux dans ses récitals, ainsi que la chantante Serenada de Tchaïkovsky (tirée de Six Romances op. 63), oeuvre empreinte d’envie et de désir. Tôt dans sa carrière, Aida a attiré l’attention du chef d’orchestre Valery Gergiev au Théâtre Mariinsky et elle a joué plusieurs rôles majeurs, notamment celui de la Reine de Shémakha dans Le Coq d’or de Rimsky-Korsakov. 

Ce personnage rusé et séducteur est une jeune et belle souveraine qui étend ses ambitions territoriales en orchestrant un ingénieux mariage avec un tsar voisin quelque peu empoté, qu’elle gardera facilement sous son joug. Ce rôle étant habituellement interprété par une soprano colorature, Aida — soprano lyrique — appréhendait initialement de s’y attaquer. Cependant, grâce aux encouragements et au soutien de Gergiev, elle l’apprit en seulement un mois et l’ajouta à la liste croissante de ses triomphes. Deux arias de ce rôle sont incluses ici : “Hymne au soleil”, un aria d’entrée extatique, durant lequel la reine captive totalement le tsar, ainsi que son aria de séduction. Les compétences de colorature d’Aida ont également impressionné le réalisateur Stephen Frears, qui lui a confié le rôle de la soprano Lily Pons dans son film paru en 2016 Florence Foster Jenkins avec Meryl Streep. Elle y chante “L’air des clochettes” tiré du Lakmé de Delibes, un joyau colorature connu pour sa complexité, qui a été transposé un ton plus bas pour sa voix plus grave. “Je rêvais de chanter ce morceau, mais je pensais que cela était réservé aux coloratures. J’ai essayé de l’interpréter avec plus de profondeur et de richesse qu’il ne l’est habituellement — il dégage peut-être davantage de gravité.” Une autre aria comportant d’importants éléments coloratures incluse ici est “Ah ! Je veux vivre” tiré du Roméo et Juliette de Gounod : dans cette valse enivrante que l’on entend peu après le début de l’opéra, la fougueuse héroïne exprime sa joie d’être jeune et insouciante. “J’ai chanté cet air au bal de l’opéra à Vienne et à Dresde, et la réaction a été sensationnelle — le public a commencé à reconnaître ma voix à partir de ce moment-là, j’avais donc très envie que ce morceau figure dans mon récital Decca.” 




La plus grande victoire d’Aida s’est produite en 2013, lorsqu’elle a remporté le premier prix du Concours Operalia de Plácido Domingo à Vérone. Pour l’une des épreuves, Domingo lui-même lui a demandé d’interpréter une aria tirée du prologue de Sniégourotchka (La Fille de neige) de Rimsky-Korsakov (également incluse ici), un opéra contant l’histoire féerique d’une princesse de glace qui fond littéralement d’amour. C’est notamment cette performance qui lui a permis d’obtenir la première place de la compétition. “Ce morceau est si émouvant, et je le chante depuis que je suis enfant. Cette aria est ma signature. J’adore l’interpréter — c’était donc mon jour de chance.” Le premier album d’Aida reflète sa vie et ses goûts musicaux ainsi que son héritage culturel. Alluki est une célèbre chanson populaire sur un texte de G˘ abdulla Tuqay, l’un des plus grands poètes tatars. “Le plus important dans la musique traditionnelle tatare, c’est la façon de chanter les mélismes, explique Aida. Chaque interprète le fait à sa manière — c’est là toute la beauté de la chose.” Alluki, grossièrement traduit, signifie “berceuse”, et le programme comporte plusieurs morceaux du même genre. La berceuse de Maria est un air à la beauté envoûtante, chanté par la fragile héroïne de l’opéra Mazeppa de Tchaïkovsky, alors qu’elle tient entre ses bras un homme mourant après une bataille. Le Chant de berceau cosaque est un autre classique du répertoire russe, avec les mots du poète Lermontov mis en musique sur un air populaire mélancolique. Nombre des morceaux reflètent aussi la dimension orientale de la culture et du caractère d’Aida. Nikolaï Rimsky-Korsakov était le plus illustre représentant de l’orientalisme russe, employant avec enthousiasme des thèmes originaires des territoires asiatiques de Russie. Sa Romance orientale est caractéristique, avec sa mélodie exotique et ses intervalles augmentés.




  “Cela me fait toujours penser à l’histoire Le Rossignol et la Rose d’Oscar Wilde — elle véhicule la même tristesse et la même profondeur.” Le “Chant du hôte indien”, tiré de l’opéra Sadko de Rimsky-Korsakov, est écrite dans le même style orientaliste et — bien qu’il ait été composé pour un ténor — a fait partie des airs favoris de plusieurs sopranos légendaires, notamment Lily Pons (incarnée par Aida dans Florence Foster Jenkins) et Rosa Ponselle. Comme nombre d’autres chanteurs lyriques, Aida aime aussi les chansons et ballades contemporaines. “J’ai grandi dans une famille de musiciens où l’on écoutait toutes sortes de musique tout le temps. C’est agréable de chanter ces morceaux plus légers parfois.” Elle inclut l’éternel classique russe Soirées près de Moscou, qu’elle interprète sur une version instrumentale tirée de l’album Mercury Balalaika Favourites de 1962, le premier enregistrement réalisé par une entreprise occidentale en Union soviétique. 



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