Belle exposition Gordon Matta-Clark, Bouchra Khalili et Daphné Le Sergent au Jeu de Paume, à Paris

Gordon Matta-Clark travaillant à Conical intersect rue Beaubourg (1975)
Trois nouvelles expositions intéressantes à découvrir au Jeu de Paume : Gordon Matta-Clark (1943-1978) avec Anarchitecte
Bouchra Khalili (née en 1975) avec Blackboard 
Daphné Le Sergent (née en 1975) avec Géopolitique de l’oubli 

Gordon Matta-Clark : Anarchitecte 
Réunissant près d’une centaine d’oeuvres de Gordon Matta-Clark (1943-1978), l’exposition «Anarchitecte » explore l’importance du travail de l’artiste au regard d’une réévaluation de l’architecture après le modernisme. Couvrant un large éventail de médiums – photographie, film et gravure –, l’exposition présente des œuvres qui, du fait de leur lien avec la culture urbaine contemporaine, éclairent le contexte dans lequel s’inscrit la passionnante critique de l’architecture  proposée par Gordon Matta-Clark.
La première apparition du terme « anarchitecture », condensé hardi des mots « anarchie » et « architecture », semble imputable à l’architecte et théoricien britannique Robin Evans, qui l’emploie dans un article de 1970 intitulé « Towards Anarchitecture » [Vers l’anarchitecture]. Détournant volontairement le sens du titre d’un livre de Le Corbusier, Vers une architecture (1923), le terme entend dénoncer les contradictions internes du programme moderniste.


Bouchra Khalili Wet Feet : Lost Boats (2012)
Bouchra Khalili : Blackboard 
Le Jeu de Paume consacre une importante exposition à l’artiste franco-marocaine Bouchra Khalili (née à Casablanca en 1975). Le travail de l’artiste en film et installation vidéo, photographie et sérigraphie, s’organise autour de plateformes mises en oeuvre par l'artiste depuis lesquelles des membres de minorités performent leurs stratégies de résistances face à l’arbitraire du pouvoir.
Depuis une quinzaine d’années, Bouchra Khalili développe une oeuvre où film, installation, photographie et sérigraphie s’allient pour interroger les modalités contemporaines de résistances individuelles et collectives face à l’arbitraire du pouvoir. 


L’exposition Blackboard emprunte son titre au dialogue que Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin, alors tous deux membres du groupe Dziga Vertov, ont eu avec des étudiants de l’université Yale en avril 1970. Invité à définir la pratique du groupe, Godard pointe du doigt le tableau noir de l’amphithéâtre qui accueille la rencontre et déclare : « Faire un film comme ce tableau noir, et rien de plus. La place du film est exactement là. Mais c’est à vous d’examiner ce tableau et d’en faire quelque chose. » Par la suite, le cinéaste reviendra à plusieurs reprises sur le « tableau noir », une oeuvre produite pour ceux dont les images manquent, qui peuvent ainsi s’en saisir et les partager. 


Cette surface plane qui peut accueillir en creux les exclus du régime de la visibilité est le point de départ du travail de Bouchra Khalili, qui fait se rencontrer une pédagogie de l’image et le « cinéma de poésie » tel que l’a théorisé Pier Paolo Pasolini, source d’inspiration majeure de l’artiste. La prise de parole et son corollaire, le geste de la transmission, sont un acte fondateur de la plupart de ses travaux. La question «qui parle et à partir d’où ? » traverse les multiples récits de résistance au pouvoir colonial et à ses continuums, de lutte pour la survie, de renégociation des termes d’un corps politique propre. 


Articulant histoire individuelle, histoire collective et transmission des utopies oubliées, l’exposition invite à une méditation sur la puissance émancipatrice de la parole. Blackboard se conçoit ainsi comme un espace où les protagonistes des œuvres de l’artiste et les visiteurs de l’exposition peuvent se rencontrer, réactivant le geste du poète civil pasolinien.


Daphné Le Sergent Géopolitique de l’oubli (2018)
Daphné Le Sergent : Géopolitique de l’oubli 
Exposition dans le cadre de la programmation Satellite 11, intitulée "NOVLANGUE"
Née en 1975 à Séoul (Corée du Sud), Daphné Le Sergent vit et travaille à Paris. Issue d’une double culture, elle mène ses recherches autour des notions de schize et de déterritorialisation. Activant différents systèmes de montage et de démontage, de cut-up ou d’effacement, son travail interroge la construction de l’identité en proposant une analyse du paysage frontalier comme phénomène de perception, assimilable à un écran. Ce travail l’a conduite à réfléchir sur la question de l’agencement et du dispositif dans la création artistique contemporaine. 




Fragments de texte, dessins partitionnés, diptyques photographiques et séquences vidéo interrogent les lignes de subjectivités qui traversent l’image et agrègent les éléments les uns aux autres.
Daphné Le Sergent présente le second mouvement du cycle, « Géopolitique de l’oubli », qui interroge la classe C du vocabulaire imaginé par George Orwell dans 1984, le langage technique, à l’heure du data déluge. À travers « Géopolitique de l’oubli », l’artiste s’intéresse à l’industrialisation et à l’externalisation de la mémoire à l’ère du post-digital, imaginant deux communautés rétrofuturistes fictives, les Sum et les May, où l’alphabet a été mis en place pour libérer la mémoire humaine de la complexité du code de l’écriture-image, fondée sur les glyphes, pictogrammes ou idéogrammes.

Quelques repères sur Novlangue_ Programmation Satellite 11 Exposition présentée dans le cadre de la programmation Satellite, coproduite par le Jeu de Paume, le CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux et le Musée Amparo de Puebla, Mexique.
La programmation Satellite est confiée, chaque année, à un commissaire indépendant chargé de concevoir trois expositions au Jeu de Paume. Pour la 11e édition de cette programmation, le Jeu de Paume renouvelle son partenariat avec le CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux et s’associe à un nouveau partenaire, le Musée Amparo de Puebla, Mexique. Agnès Violeau, commissaire indépendante basée à Paris, est invitée à concevoir cette programmation, intitulée « NOVLANGUE_ ». Les trois expositions sont également présentées au CAPC et au Musée Amparo de Puebla en 2018. Les expositions de la programmation Satellite s’accompagnent de trois publications. Chaque année, le Jeu de Paume, le CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux et le Musée Amparo de Puebla font appel à des graphistes indépendants pour imaginer l’identité graphique des trois volumes de la programmation. Le graphisme de Satellite 11 a été créé par Jérémy Glâtre.

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