Samouni Road de Stefano Savona : Oeil d’or du meilleur documentaire au Festival de Cannes 2018


Samouni Road (La Strada dei Samouni) de Stefano Savona

Présenté en compétition à la Quinzaine des réalisateurs,
Oeil d’or du meilleur documentaire au Festival de Cannes 2018 


Samouni Road
Enfance perdue dans le film Samouni Road


Samouni Road : documentaire saisissant sur la tragédie d'une famille de civils, décimée à Gaza par l'armée israélienne!

Une oeuvre indispensable et nécéssaire après le très bon film Tahrir, place de la révolution (2011) Stefano Savona continue de documenter avec talent et précision la situation au Moyen Orient et se penche sur les conséquences dramatiques de l'Opération "plomb durci" (2009) à Gaza, frappes de l’armée israélienne qui causèrent des lourdes pertes humaines et matérielles parmi les civils palestiniens.


dessin Samouni Road


Synopsis : la tragédie d'une famille de Gaza


Le réalisateur a décidé de filmer au plus près la famille Samouni, peu après l’attaque, puis un an plus tard, pendant la préparation d’un mariage, dans la périphérie rurale de la ville de Gaza.
 C'est la première fête depuis la dernière guerre. Amal, Fouad, leurs frères et leurs cousins ont perdu leurs parents, leurs maisons et leurs oliviers. Le quartier où ils habitent est en reconstruction. Ils replantent des arbres et labourent les champs, mais une tâche plus difficile encore incombe à ces jeunes survivants : reconstruire leur propre mémoire. Au fil de leurs souvenirs, Samouni Road dresse un portrait de cette famille avant, pendant et après l’événement qui a changé leur vie à jamais. Et comment peut-on se reconstruire et continuer à vivre après un tel cataclysme : les existences suspendues, le désespoir, les vies détruites, les bâtiments rasés, les pénuries.

Amal, la petite fille survivante. | Capture d'écran Samouni Road

Note 4/5
. Documentaire précis et respectueux sur la tragédie de Gaza. En ajoutant des séquences d’animation et des images de synthèse en 3D qui illustrent la parole et les rêves de cette famille victime de l’opération « plomb durci » en 2009, Stefano Savona donne une grande force à son documentaire en même temps qu’une profonde émotion.

Critique
Sur la terre sèche et nue, entourée de ruines, une petite fille trace une cercle qui indique où était le sycomore qu’avait planté son père, mort récemment. Cette scène d’ouverture pourrait résumer le film : l’arbre disparu est le symbole d’un monde anéanti, et la petite fille est le symbole de l’enfance brisée.



Samouni Road
La tragédie de Samouni Road 

La tragédie de janvier 2009

Samouni est le nom de plusieurs familles installées depuis plusieurs générations sur la terre gazaouïe. Ce sont des paysans, qui disent ne pas être concernés le conflit israélo-palestinien ; d’ailleurs certains travaillent en Israel. Ils se sentent en confiance quand commencent les opérations israéliennes de janvier 2009, dont l'objectif était de mettre fin aux tirs de roquettes du Hamas depuis la bande de Gaza. Pourtant, ils ont été confrontés à la tragédie : 29 des leurs, hommes, femmes et enfants, sont tués, leurs maisons détruites sans qu’ils en comprennent la cause.


Samouni Road
Samouni Road

Faire "revivre" ce qui a été englouti

Le documentaire recueille les témoignages des survivants, souvent poignants. A partir des paroles, le réalisateur Stefano Savona reconstruit de manière splendide les maisons que l’on ne peut plus voir et redonne "vie" à ceux que l'on ne peut plus entendre : des séquences d'animation, une technique de grattage faisant surgir les traits blancs d'un fond noir, et des images de synthèse en 3D reconstituent les souvenirs et les rêves des Samouni. Ces ajouts donnent force et émotion au film.

Verbatim du réalisateur 
Stefano Savona
La rencontre avec la famille Samouni
Au lendemain du retrait de l’armée de terre israélienne, le 20 janvier 2009, j’ai pu rejoindre le Nord de la Bande et la ville de Gaza, où j’ai rencontré la famille Samouni confrontée pour la première fois à une tragédie sans précédent. Vingt-neuf de ses membres avaient été tués par une unité d’élite de l’armée israélienne. Leurs maisons et leurs champs avaient été complètement détruits. 

J’ai commencé à filmer les Samouni immédiatement, mais dès le début, je n’ai eu aucun doute : je devais faire un autre film sur leur histoire, qui n’aurait pas la même forme que mon précédent film Plomb Durci. Un documentaire qui ne pouvait pas se réduire à un compte-rendu du massacre ou au constat du deuil poignant d’une famille entière. J’ai compris qu’il fallait construire une autre position, un autre point de vue : sortir de cette situation où on arrive toujours juste après, quand l’événement a déjà eu lieu et que les gens n’existent plus que comme victimes, ou en tout cas sous le signe de cette horreur qui s’est abattue sur eux. Ils disparaissent comme personnes dans leurs singularités et leur diversité. Je voulais redonner aux Samouni une existence longue, cesser de les ensevelir tous, les vivants et les morts, sous le poids de l’événement fatal.

Le paradis perdu des Samouni  
Les animations reconstituent les souvenirs des protagonistes. À l’écriture, nous n’avons rien inventé, tout ce que l’animation raconte est inspiré des récits et des témoignages des Samouni, y compris les séquences de rêve. J’ai voulu poursuivre la même démarche à l’image : les séquences d’animation font revivre un quartier qui a réellement existé et aussi les membres charismatiques de la famille qui ont péri dans le massacre.
Le film reconstitue précisément et presque « archéologiquement » les maisons, la mosquée, les vergers, ce paradis perdu dont parlent les protagonistes du film. Les personnages réels sont reconnaissables et réalistes dans leur version « animée ».

La crédibilité des images de synthèse et des dialogues 
Le point de vue des hélicoptères et des drones israéliens est restitué par des images de synthèse en 3D. Mais tout ce qu’on voit et tout ce qu’on entend provient de sources documentaires recoupées entre elles : les témoignages de la famille Samouni, des membres de la Croix Rouge Internationale et le résultat d’une commission d’enquête de l’armée israélienne.

L’évolution de la situation
Lorsque je suis revenu en 2010, un an à peine après le passage des bulldozers de l’armée israélienne, les Samouni avaient déjà réussi à rétablir une partie de leurs champs, à transformer une étendue de décombres et de terre rouge en un quartier cultivé et verdoyant. Malgré les immenses difficultés matérielles, renforcées par un embargo très strict, les Samouni avaient pour la plupart résisté au choc existentiel de la tragédie et à ses pesantes retombées idéologiques.
Je voulais affranchir les Samouni des rôles qui sont assignés le plus souvent dans les médias aux Palestiniens, soit de terroristes, soit de martyrs. Je voulais redonner place à la variété de leurs existences, d’hommes, de femmes, d’enfants.



Stefano Savona 
Stefano Savona est né à Palerme. Il a étudié l’archéologie en Italie et en Angleterre avant de s'installer à Paris. Il a participé à plusieurs missions archéologiques au Soudan et au Moyen-Orient. C’est surtout cette région du monde qu’il raconte dans ses films depuis qu’il se consacre à la réalisation de long métrages documentaires, parmi lesquels Carnets d’un combattant kurde (2006), Plomb durci (2009), extraordinaire Tahrir place de la Libération (2011)

Fiche technique
Scénario   Stefano Savona, Léa Mysius, Penelope Bortoluzzi
Image       Stefano Savona
Son          Jean Mallet, Margot Testemale
Directeur artistique de l’animation   Simone Massi
Montage   Luc Forveille
Musique   Giulia Tagliavia

Samouni Road

Sortie le 7 novembre

Bande-annonce SAMOUNI ROAD de Stefano Savona - 7/11/18 from jour2fete on Vimeo.

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