Embarquement immédiat, en images, en textes, en vidéos et même en fiction, sur la voie d’eau artificielle la plus célèbre au monde, creusée de main d’homme depuis… quatre mille ans.
A l’Institut du monde arabe, à Paris, du 28 mars 2018 au 5 Août 2018. En plus, du 26 mars au 5 avril 2018 : projection de vidéo-mapping sur la façade par Athem
Bien plus qu’à une simple visite, une expérience immersive
« Nous ne faisons pas débuter l’exposition avec l’invention du cinématographe ; mais nous traitons quatre mille ans d'histoire de manière cinématographique en recourant à différents procédés immersifs tels que vidéos et fictions ». Claude Mollard, commissaire de l'exposition L'épopée du canal de Suez.
Le 6 août 2015, à l’issue d’une année de travaux titanesques, l’Egypte inaugurait un nouveau canal de Suez : 37 km doublant le canal « historique », lui-même élargi par ailleurs sur 35 km. Une magnifique occasion pour l’Institut du monde arabe de dédier une exposition à cette voie d’eau unique en son genre, percée entre 1859 et 1869 sous la direction de Ferdinand de Lesseps.
Bien plus qu’à une simple visite, c’est à une expérience immersive que convie l’exposition, au fil d’un parcours structuré.
Déjà les Pharaons… (1850 av. J.-C.)
C’est le Pharaon Sésostris III qui, en reliant le Nil à la Mer Rouge, va le premier, 18 siècles avant notre ère, rendre la navigation possible entre la Méditerranée et les mers du Sud. Ce Canal antique, ensablé parfois, régulièrement remis en état, va continuer à exister pendant plus de 20 siècles. Après qu’il soit devenu inutilisable, de nouveaux projets apparaissent à Constantinople ou à Venise, sans parvenir à voir le jour.
Grâce à de nombreuses maquettes, le visiteur découvre ce que fut l’audace de ce chantier pharaonique pour lequel des machines sont inventées et mises pour la première fois à l’essai.
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François Pierre Barry, « Le Chantier [du canal de Suez] », 1863 ©3.Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du canal de Suez |
Vers l’Égypte moderne, ou quand le rêve se fait réalité (1797-1849)
Le Canal de Suez est un projet égyptien parce qu’il prend place dans une Égypte en renaissance. Après avoir été confrontée à la modernité européenne par Bonaparte, l’Égypte reprend vie à partir de 1806 sous le règne de Méhémet Ali et de ses descendants. La nouvelle dynastie, de plus en plus indépendante de l’empire ottoman, modernise le pays à tour de bras en faisant venir des experts français. Parmi ces experts, Ferdinand de Lesseps, un personnage inclassable, diplomate, aventurier de génie, va porter à bout de bras un projet déjà étudié par les ingénieurs de Bonaparte, sur des plans dessinés par l’ingénieur italien Luigi Negrelli (1799-1858), puis par les Saint-Simoniens, mais face auquel Méhémet Ali était resté très méfiant : celui d’un Canal de pleine mer traversant l’isthme de Suez. Ferdinand de Lesseps et Saïd Pacha, souverain moderniste d’Égypte et petit-fils de Méhémet Ali qui a hérité des pouvoirs de son grand père, se lancent seuls dans l’aventure qui se poursuivra jusqu’en 1869 sous l’impulsion du Khédive Ismaïl Pacha, son neveu, qui lui succède en 1863. L’Égypte est en marche vers le progrès. Le creusement du Canal est évoqué dans l’exposition par les nombreuses archives de l’Association du souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez : sculptures, photographies, plans, gravures, peintures, dessins…
Le Canal au cœur des convoitises (1854-1882)
À l’époque d’optimisme où Ismaïl Pacha croit pouvoir dire que son pays « n’est plus en Afrique mais en Europe » va succéder une période plus noire. Banqueroute, mainmise étrangère, occupation militaire anglaise à partir de 1882. Le Canal devenu une oeuvre mythique pour les Européens, devint pour les Égyptiens un symbole de servitude où pourtant la vie continue, les villes se construisent, la campagne reverdit. Cette mémoire contrastée est montrée à travers des images, des films, des tableaux. La zone du Canal de Suez devient, en Égypte un monde à part, extraterritorial, avec son mode de vie propre, son cosmopolitisme différent de celui du Caire et d’Alexandrie. Le visiteur peut sur un très beau panorama mobile traverser le Canal comme on le faisait encore en 1920 sur la route des Indes ou de l’Extrême Orient et rêver au charme des voyages au long cours.
Les aspirations de l’Égypte à l’Indépendance (1914-1945)
Après la première guerre mondiale les égyptiens se révoltent en 1919, contre la présence de la Grande Bretagne qui proclame en 1920 une indépendance partielle, ainsi qu’une constitution parlementaire. En 1936, lors du traité de Londres, le royaume d’Égypte accède à une indépendance internationalement reconnue : la protection du Canal de Suez reste sous monopole britannique pour vingt ans seulement.
Le Canal aux Égyptiens (1956)
1956 : après la seconde guerre mondiale, sous la sérénité apparente, le monde arabe aspire à son indépendance, la révolte gronde. Après avoir été accueilli dans l’exposition par le faste théâtralisé de l’inauguration de 1869, le visiteur se retrouve désormais en immersion au coeur de la grande scène populaire de 1956 : celle du discours où Nasser annonce le jour de la fête nationale à une foule emportée par l’enthousiasme que le Canal de Suez est nationalisé.
L’exposition consacre un vaste espace à ce moment clef, à la mise en pratique de cette décision, aux souvenirs qu’elle suscite chez ceux qui en ont été témoins et enfin à l’opération militaire engagée par les Français, les Britanniques et les Israéliens, et le fiasco qui a suivi.
Un nouveau monde émerge (1956-1975) Le fiasco de l’expédition franco-anglo-israélienne de 1956, contrecarrée par les Américains et les Russes, marque la fin de l’impérialisme colonial européen, alors que Russes et Américains régentent l’Europe centrale ou l’Amérique latine. Le Canal désormais égyptien continue à fonctionner, les contentieux politique et financier sont apurés. Mais très vite le Canal redevient une zone de guerre : celle des six jours d’abord, en 1967 suivie de la fermeture du Canal et de six ans de combats sporadiques mais meurtriers, puis celle de 1973 avec le franchissement du Canal par les Égyptiens. Le résultat final de cet exploit, largement illustrée dans l’exposition va être la reprise de la navigation puis les accords de paix israélo-égyptiens.
Le Canal de Suez est un projet égyptien parce qu’il prend place dans une Égypte en renaissance. Après avoir été confrontée à la modernité européenne par Bonaparte, l’Égypte reprend vie à partir de 1806 sous le règne de Méhémet Ali et de ses descendants. La nouvelle dynastie, de plus en plus indépendante de l’empire ottoman, modernise le pays à tour de bras en faisant venir des experts français. Parmi ces experts, Ferdinand de Lesseps, un personnage inclassable, diplomate, aventurier de génie, va porter à bout de bras un projet déjà étudié par les ingénieurs de Bonaparte, sur des plans dessinés par l’ingénieur italien Luigi Negrelli (1799-1858), puis par les Saint-Simoniens, mais face auquel Méhémet Ali était resté très méfiant : celui d’un Canal de pleine mer traversant l’isthme de Suez. Ferdinand de Lesseps et Saïd Pacha, souverain moderniste d’Égypte et petit-fils de Méhémet Ali qui a hérité des pouvoirs de son grand père, se lancent seuls dans l’aventure qui se poursuivra jusqu’en 1869 sous l’impulsion du Khédive Ismaïl Pacha, son neveu, qui lui succède en 1863. L’Égypte est en marche vers le progrès. Le creusement du Canal est évoqué dans l’exposition par les nombreuses archives de l’Association du souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez : sculptures, photographies, plans, gravures, peintures, dessins…
Le Canal au cœur des convoitises (1854-1882)
À l’époque d’optimisme où Ismaïl Pacha croit pouvoir dire que son pays « n’est plus en Afrique mais en Europe » va succéder une période plus noire. Banqueroute, mainmise étrangère, occupation militaire anglaise à partir de 1882. Le Canal devenu une oeuvre mythique pour les Européens, devint pour les Égyptiens un symbole de servitude où pourtant la vie continue, les villes se construisent, la campagne reverdit. Cette mémoire contrastée est montrée à travers des images, des films, des tableaux. La zone du Canal de Suez devient, en Égypte un monde à part, extraterritorial, avec son mode de vie propre, son cosmopolitisme différent de celui du Caire et d’Alexandrie. Le visiteur peut sur un très beau panorama mobile traverser le Canal comme on le faisait encore en 1920 sur la route des Indes ou de l’Extrême Orient et rêver au charme des voyages au long cours.
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Vers les mers du Sud © GG |
Après la première guerre mondiale les égyptiens se révoltent en 1919, contre la présence de la Grande Bretagne qui proclame en 1920 une indépendance partielle, ainsi qu’une constitution parlementaire. En 1936, lors du traité de Londres, le royaume d’Égypte accède à une indépendance internationalement reconnue : la protection du Canal de Suez reste sous monopole britannique pour vingt ans seulement.
Le Canal aux Égyptiens (1956)
1956 : après la seconde guerre mondiale, sous la sérénité apparente, le monde arabe aspire à son indépendance, la révolte gronde. Après avoir été accueilli dans l’exposition par le faste théâtralisé de l’inauguration de 1869, le visiteur se retrouve désormais en immersion au coeur de la grande scène populaire de 1956 : celle du discours où Nasser annonce le jour de la fête nationale à une foule emportée par l’enthousiasme que le Canal de Suez est nationalisé.
L’exposition consacre un vaste espace à ce moment clef, à la mise en pratique de cette décision, aux souvenirs qu’elle suscite chez ceux qui en ont été témoins et enfin à l’opération militaire engagée par les Français, les Britanniques et les Israéliens, et le fiasco qui a suivi.
Un nouveau monde émerge (1956-1975) Le fiasco de l’expédition franco-anglo-israélienne de 1956, contrecarrée par les Américains et les Russes, marque la fin de l’impérialisme colonial européen, alors que Russes et Américains régentent l’Europe centrale ou l’Amérique latine. Le Canal désormais égyptien continue à fonctionner, les contentieux politique et financier sont apurés. Mais très vite le Canal redevient une zone de guerre : celle des six jours d’abord, en 1967 suivie de la fermeture du Canal et de six ans de combats sporadiques mais meurtriers, puis celle de 1973 avec le franchissement du Canal par les Égyptiens. Le résultat final de cet exploit, largement illustrée dans l’exposition va être la reprise de la navigation puis les accords de paix israélo-égyptiens.
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Trafic sur le nouveau Canal de Suez |
Le Canal du futur (1975-2018)
Entre 1975 et 2015 le Canal est considérablement élargi, approfondi, modernisé. Il devient une des principales sources de devises pour l’Egypte qui, en 2015, se lance dans un nouveau projet pharaonique : celui du doublement ainsi que de la création d’une vaste zone industrielle et d’urbanisation appelée à attirer vers elle des millions d’habitants. C’est cette Égypte du futur que découvre alors le visiteur avant de pouvoir rêver à nouveau d’un grand voyage toujours possible, même si le décor en a changé, tel que le montrent les images filmées qui viennent clore l’exposition, parcourant aujourd’hui les 193 kilomètres de la mythique voie d’eau.
Teaser video-mapping "L'épopée du Canal de Suez, des pharaons au XXIé siècle" - Institut du Monde Arabe from ATHEM & SKERTZÒ on Vimeo.
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