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Le nucléaire constitue une cible potentielle pour les terroristes |
Sécurité nucléaire : le grand mensonge
Classée secret défense, la sécurité nucléaire reste aujourd’hui la zone opaque d’une industrie exposée au risque terroriste. Captivante autant qu’alarmante, cette enquête internationale signée Eric Guéret et Laure Noualhat révèle les failles inimaginables du système.
Mardi 5 décembre 2017 à 20.50
Sommes nous à l'abri d'un attentat nucléaire ?
Alors que les accidents de Tchernobyl ou de Fukushima ont alerté
sur la sûreté nucléaire, la sécurité des installations, classée secret
défense, reste encore entourée d’un épais mystère, voire tabou.
Une enquête alarmante
Pourtant,
au-delà de la vulnérabilité des sites mise en lumière par les
opérations de militants écologistes, l’enquête sur les attentats de
Bruxelles de mars 2016 a révélé que le nucléaire belge constituait
bien une cible potentielle pour des terroristes en quête d’armes de
destruction massive. De l’attentat-suicide et la chute d’un avion
de ligne sur un réacteur aux cyber-attaques en passant par les
drones, les actes de sabotage ou la fabrication artisanale de
bombes sales – un mélange d’explosifs et de matières radioactives
–, les menaces, reconnues par les experts, sont réelles.
⚠️ Sur @ARTEfr ce soir, ne manquez pas la grande enquête d'Eric Guéret sur les failles de la sécurité #nucléaire et le risque terroriste. Le réalisateur est l'invité de @morandini_live à 11h10 sur @CNEWS, et de @28minutes en 2ème partie d'émission. pic.twitter.com/OG4xv7nK2P— ARTE pro (@ARTEpro) 5 décembre 2017
Dès lors,
comment nos installations sont-elles protégées pour affronter ces
risques multiples et comment la communauté internationale
s’organise-t-elle pour sécuriser les matières et éviter les trafics ?
Des États-Unis à l’Allemagne en passant par la France et la
Belgique, cette enquête révèle les failles inimaginables des
systèmes de protection de sites nucléaires, conçus pour la plupart
avant les attaques du 11 septembre. Interrogeant experts,
politiques et activistes de Greenpeace, le film montre aussi
comment l’industrie nucléaire, aujourd’hui souvent déficitaire et
surendettée, peine à mettre en œuvre des mesures efficaces – et
forcément coûteuses – face au risque terroriste.
Un débat public étouffé par le "secret défense"
Aucune norme
internationale n’est imposée aux États nucléarisés, y compris pour
ce qui concerne la sécurisation des matières les plus dangereuses.
Et ce, malgré les tentatives de Barack Obama, initiateur du
Sommet Mondial sur la sécurité nucléaire. Le silence qui entoure
cette menace au nom de la confidentialité face à un ennemi
potentiel prive de surcroît la société civile du légitime débat sur sa
sécurité, quand les décisions pour la garantir relèvent du politique.
Une investigation glaçante sur l’un des secrets les mieux gardés
au monde.
Entretien avec le réalisateur Eric Guéret
Pourquoi la sécurité nucléaire est-elle placée sous le sceau du secret ? Éric Guéret : Cette enquête que j’ai réalisée avec Laure Noualhat (ex libé) pendant deux ans nous a montré que ce silence dépasse le domaine de la sécurité. Les citoyens ne sont pas informés sur le nucléaire dans son ensemble. À cause de ses origines militaires, cette industrie a toujours été couverte par le secret. Aujourd’hui, pour ne pas risquer d’informer un ennemi potentiel, il ne faut rien dire : au prétexte de la sécurité, on brandit le secret défense. C'est un argument que le film réfute... Oui, car je pense que ceux qui souhaiteraient perpétrer un attentat n’ont pas besoin de nous pour obtenir des renseignements. Les réseaux terroristes disposent de moyens largement suffisants en termes d’investigation, d’experts et de finances pour s’informer. Le secret défense cache en réalité d’énormes vulnérabilités. Il masque aussi le problème majeur que nous dévoilons avec Laure, à savoir que l’industrie nucléaire, notamment en Europe et aux États-Unis, est au bord de la faillite et qu’elle n’a pas les capacités financières de sécuriser des installations extrêmement dangereuses. Ce film est un lanceur d’alerte qui dénonce le manque de moyens pour assurer la sécurité des sites, des matières nucléaires et de leur transport.
Quels sont les autres risques face auxquels l'industrie nucléaire doit se protéger ? Une énorme vulnérabilité réside dans la défense aérienne. Le film fait tomber le mythe selon lequel les réacteurs nucléaires résisteraient à la chute d’un avion de ligne. Ce risque s’avère à mon avis d’ailleurs aussi important avec les petits avions civils, moins contrôlés et plus rapides. Les drones constituent une autre très grande menace, sous-estimée, voire méprisée par l’industrie, laquelle affirme qu’ils sont incapables de transporter des charges. Or, le film montre qu’ils peuvent embarquer jusqu’à quarante kilos et donc, potentiellement, des explosifs. Concernant la structure, le point le plus faible, ce sont les piscines de combustible, dont nous prouvons que le niveau de défense est insuffisant. Pour exemple, une attaque sur celle de la centrale d’Indian Point, proche de New York, obligerait à évacuer 35 millions de personnes.
Le transport des matières fissiles constitue également un risque... C’est une aberration française : le plutonium, une des matières les plus dangereuses au monde, est fabriqué à La Hague, mais transformé à Marcoule, à quelque 800 kilomètres à vol d’oiseau. Chaque semaine, un convoi chargé de 150 kilos de plutonium traverse donc la France sans qu’il soit possible de le sécuriser.
Comment remédier aux multiples failles que vous pointez ? Il faudrait dresser un bilan du risque nucléaire et évaluer l’état de la sécurité à ce jour. Il conviendrait également d’organiser une consultation populaire pour savoir si les citoyens ont encore envie d’une énergie dont la sécurité coûtera si cher qu’elle sera hors budget. A minima, il est urgent de vider les piscines, notamment aux États-Unis, où elles sont en surcharge, et de mieux les protéger.
Quel est selon vous l'avenir de ce secteur énergétique ? L’industrie nucléaire se dirige tout droit vers une catastrophe financière. D’autant plus qu’il faudrait la sécuriser sur une très longue durée, même après la fermeture des sites, car les combustibles vont y rester. À mon sens, il faut sortir du nucléaire en s’avouant qu’il n’est pas compétitif, qu’il est dangereux et qu’on ne pourra pas éviter un attentat.
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