"Paris etc." de Zabou Breitman, Amours, désir et crise existentielle de 5 parisiennes bobos



Paris etc.

Paris
n'en finit pas d'attirer les auteurs de films ou de séries (par exemple la récente mini série de Virginie Brac sur ARTE).
Ici Zabou Breitman avec sa nouvelle série “Paris etc.” nous plonge dans le quotidien de cinq parisiennes un peu bobo à un tournant de leurs vies intimes. Une comédie chorale qui débute ce 27 novembre sur Canal+

On assiste à l'évolution des 5 personnages de la série suivre leurs amours, leurs désirs et leur (mé)aventures sur fond de crise existentielle. Beaucoup d'humour et de situation cocasses dans un Paris qui nous montre le 13e arrondissement tel qu'il n'est pas souvent filmé. Plein de personnages et de strates narratives qui donnent un peu le tournis. 


La note : 3,5/5 OK pour Paris et les acteurs (Anais Demoustier, toujours formidable, on la retrouve bientôt dans La Villa, Valeria Bruni toujours sur un fil, Lou 
Roy-Collinet, provinciale perdue dans Paris) mais scénario un peu dispersé.



5 femmes dans Paris etc.


Synopsis de la série Paris

Cinq femmes.
Et Paris.
Cinq façons d’être, de pleurer, de hurler de rire, de rater le bus, de serrer les dents, de jouir, de ne pas jouir, de boire trop, de grandir, de résister, de faire un enfant ou pas, de ne pas vouloir rentrer chez soi…
Cinq façons d’aimer.
Cinq héroïnes du quotidien qui traversent Paris, depuis la rentrée des classes jusqu’aux vacances de Noël.





Marianne (Valeria Bruni Tedeschi) arrive en retard, essoufflée. Elle murmure "j’y vais ?" D’une voix cassée. Elle sourit. Murmure encore "désolée". Bonjour je m’appelle Marianne Lemans, je suis chef de clinique à l’Hôtel Dieu en gériatrie. J’aime beaucoup ce que je fais. Mon boulot on va dire c’est pas le problème… Non pas qu’il y ait un problème, hein… 


Marianne (Valeria Bruni Tedeschi

J’ai deux enfants, une fille de 14 ans, un petit Colin de 9 ans. Et Fred bien sûr. Mon fiancé… mon compagnon, voilà, mon compagnon. Ma vie perso, là c’est un peu compliqué, en ce moment quoi… Bon j’ai… c’est un peu compliqué. Je pense que c’est difficile d’être une femme moderne. un temps Mais je ne pense pas qu’avant c’était mieux. Non pas du tout, pas du tout. Juste, j’ai l’impression de vouloir être libre, sans attache, et en même temps ça m’angoisse terriblement… j’aime des choses effroyablement conventionnelles aussi, un petit train-train, une vie de famille tranquille… C’est idiot, je sais. Et puis avec le temps qui passe… je ne sais pas. Ça va tellement vite, tout. 



Marianne (Valeria Bruni Tedeschi) en plein doute

J’ai l’impression que je suis un peu flottante, moi qui ai toujours été la "forte" de la famille ! elle rit Je dois vieillir. C’est atroce. elle reste songeuse Vous voulez ajouter autre chose, Marianne ? … Euh sur moi ? elle reflechit … Ah, oui… Je déteste la paëlla, pour moi c’est fait avec des restes du frigo qui ne vont pas ensemble, genre grande poubelle. C’est abominable. elle rit Voilà, c’est tout en gros. On a fini? J’y vais… Merci. elle se leve, sourit, et tourne les talons. Hauts, les talons




excellente Anais Demoustier 

La jeune femme (Anais Demoustier) éclate de rire …non parce que je suis masseuse professionnelle à domicile, c’est pour ça je croyais que vous vouliez un massage ! Alors je m’appelle Mathilde, ça m’arrive tout le temps de m’emmêler les pinceaux, excusez-moi, donc je m’appelle Mathilde, j’ai aussi une formation d’ostéo. Je me déplace avec ma table. Au début j’étais un peu inquiète d’aller chez des inconnus, parce que on ne sait jamais, et puis en fait très vite j’ai eu des clients réguliers, et sympas. elle hesite C’est un travail qui me plaît, je suis contente et on parle avec les gens, ils se confient, ils racontent leur vie et c’est touchant… Moi ça me touche. 


Anais Demoustier 

Vous êtes mariée ou vous vivez avec quelqu’un ? Oui. Avec Bruno, qui a quinze ans de plus que moi. J’aime bien son calme, ça me rassure, il a toujours réponse à tout on dirait. Je ne veux pas dire qu’il est… comment on dit…imbu de sa personne ou quoi, mais il trouve les bonnes solutions assez vite, s’il y a un problème. Il a eu un fils avec sa femme d’avant, elle est gynéco, lui il est dentiste, ils se sont connus en fac de médecine, elle, elle est très belle, très forte, et aussi très sûre d’elle… J’aimerais mieux que vous me parliez de vous. Oui oui. Donc le petit garçon s’appelle Lucien, je crois que je ne suis pas très forte en belle-‐mère, je veux dire par rapport aux horaires de coucher, à ce qu’il doit manger. On fait la cuisine ensemble parfois, pas de la grande cuisine hein, des cookies des trucs comme ça. Vous vous voyez où dans 10 ans ? Euh… Ouh la… euh…j’aimerais avoir un lieu fixe, parce que la table c’est lourd, bon là à 30 balais c’est bon, mais passé 45 je vais traîner la patte, c’est sûr. J’avais pensé reprendre des études, mais pfff, c’est dur de repartir à zéro quand on bosse. Vous voulez ajouter quelque chose sur vous-‐même ? Ben je sais pas…Je me trouve un peu… fade, ou sans vraiment rien de spécial, tout le contraire de ma sœur en fait…



Lou Roy-Collinet va entamer une conversion un peu rapide dans la capitale

Je m’appelle Allison Rozen (Lou Roy-Collinet), avec un Z, c’est alsacien, je suis montée à Paris pour faire un stage en cuisine parce que mon père connaît le chef d’un restaurant gastronomique, et ils sont assez copains, je crois, euh… dans le même truc politique, je sais pas trop. C’est ma mère qui voulait que j’aille à Paris, parce qu’elle en rêvait plus jeune je suis sûre. Moi j’aime pas spécialement faire la cuisine, sauf les desserts, ma mamie fait de super gâteaux alsaciens. À la brigade, il y a Léo, il est trop beau. Et Jaja elle m’aide parce que je suis pas forte. Sami il est gentil, mais lui il est un peu chiant. Il me colle, quoi. Paris ? 



 Lou Roy-Collinet croisée au Festival de Cannes 

Ben je trouve que ça pue… le métro, ça pue… et c’est hyper cher par rapport à Bischheim. Et puis il n’y a pas que Paris, ici les gens sont un peu méprisants je trouve. Plus tard ?... Je sais pas trop en fait… Pas rester à Paris, déjà, et, euh, trouver un bon job, je sais pas. elle rit, genee De toute façon je suis fiancée en Alsace, et avec Xavier on se marie dans 6 mois, alors… elle montre sa petite bague de fiancailles Elle est jolie hein ? C’est du vrai en plus…Ici les gens disent que je suis trop jeune, mais ma mère elle s’est mariée à 18 ans, et elle était vierge. Je trouve ça important. 

Mes colocs et leurs potes ils jugent tout comme si j’étais un peu débile et raciste. Je dis ce que je pense, hein ! L’autre jour ils m’ont dit que j’étais égoïste mais moi je pense que… elle reflechit Je suis assez généreuse en fait. Ça m’a fait de la peine. Et puis, même si c’était vrai, peut-être que je vais m’améliorer… elle sourit, amusee C’est bon ? Je dois y aller, parce que Madeleine la sous-chef, elle gueule quand on est retard. elle remet son calot sur la tete, et fait un petit au revoir de la main, puis de loin


Zabou Breitman en tournage


La parole à Zabou Breitman

POURQUOI AVEZ-VOUS CHOISI UNE SÉRIE CHORALE AVEC CINQ HÉROÏNES ? J’avais envie d’écrire sur des femmes d’âges différents pour mettre en parallèle leur vie sentimentale, sexuelle et sociale. Pour entrer dans la série, le personnage d’Allison (Lou Leroy-Lecollinet rencontrée dans Trois Souvenirs de ma jeunesse) m’a semblé idéal : elle arrive de loin et découvre Paris. A vingt ans, elle fait preuve d’une certaine naïveté. Puis elle avance, se révèle, se métamorphose au contact de la ville. D’une manière générale, j’ai imaginé chaque personnage selon sa capacité à changer. Si on des - sinait les courbes de vie de chacune, l’une aurait une progression très lente comme Mathilde (Anaïs Demoustier) ; Marianne (Valeria Bruni-Tedeschi), on la verrait s’écrouler, etc... 




PARIS EST PEUT-ÊTRE L’HÉROÏNE PRINCIPALE DE LA SÉRIE… Paris, c’est ma ville. Je l’aime tant. Il y avait beaucoup à faire, car je ne voulais pas montrer le Paris de RATATOUILLE – même si j’aime ce film. Avec Anne Berest, la co-scénariste, nous avons cherché des endroits un peu particuliers. Nous avons travaillé dans le bonheur, malgré toute la mélancolie qui m’anime. 
POURQUOI CETTE MÉLANCOLIE ? PARIS ETC. est une comédie mélancolique car je suis mélancolique. C’est peut-être l’âme slave. Mon père était très mélancolique et extrêmement drôle à la fois. C’est actif, la mélancolie, presque un plaisir. Petite, j’allais sous le piano de mon papa, un piano à queue, et je lui demandais de me jouer quelque chose de triste parce que je n’allais pas très bien. Un nocturne de Chopin, par exemple. Je pleurais et je me sentais bien d’avoir pleuré. Pour moi, les émotions tristes flirtent avec le rire. Une série peut faire se toucher ces émotions d’un instant à l’autre, sans que le genre ne soit prédéfini. Ici, on passe dans la même scène d’une comédie à un drame, et ça, j’adore. Pour moi, cela a aussi du sens par rapport à la réalité parisienne très animée, qui navigue d’un état à un autre très rapidement. Une capitale, c’est mélancolique, je trouve. Il y a des endroits immuables dans Paris, comme certaines brasseries, mais d’autres ont énormément changé et on les voit peu dans les films et les séries. Je pense au 13 e arrondissement, où se frottent la vieille école et les tours. Paris, ce n’est pas que le cinquième et Saint Germain des Prés ! C’est une matière vivante incroyable et j’ai voulu le montrer. 

COMMENT AVEZ-VOUS ÉLABORÉ LA GÉOGRAPHIE TRÈS VARIÉE DE LA SÉRIE ? Nous avons commencé à travailler avec un plan de la ville, en nous demandant : où habitent ces femmes et où vont elles ? Prendre les transports, traverser un pont, tout cela est important dans PARIS ETC.. Je prends beaucoup les transports en commun qui permettent de vivre et de voir de ma - nière extraordinaire. C’est une source incroyable d’écriture et d’imaginaire sur laquelle nous avons beaucoup joué. 

VOUS FAITES DES RÉFÉRENCES DIRECTES AUX ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE, NOTAMMENT DANS LE PREMIER ÉPISODE AVEC CETTE SCÈNE TRÈS BELLE OÙ ALISON PASSE DEVANT LE PETIT CAMBODGE ET LE CARILLON, DANS LE 10 e
 Il nous a semblé évident de montrer ces lieux, parce que Paris ne pourra plus exister sans cela. Cette jeune fille vient de province, elle n’a pas réalisé ni compris quand elle passe devant. Mais nous, spectateurs, ce sont des noms qu’on a imprimés. Ils appartiennent à notre mémoire collective et ce n’est plus possible de filmer Paris sans en tenir compte.

ON ENTEND AUJOURD’HUI L’IDÉE QUE LES SÉRIES SONT DEVENUES UN ESPACE FÉMININ, QUE CE SOIT GIRLS, BIG LITTLE LIES OU HANDMAID’S TALE POUR PRENDRE DES EXEMPLES AMÉRICAINS. "PARIS ETC." PARTICIPE DE CE MOUVEMENT. VOUS REGARDEZ LA VILLE AVEC UN POINT DE VUE FÉMININ. 
Je ne sais pas si c’est conscient. Il y a forcément un ancrage naturel. Je suis une femme et cette série est d’une certaine façon "vue de l’intérieur". Nous l’avons écrite à deux femmes, la monteuse est une femme, le directeur de la photographie n’est pas misogyne… Je peux aussi revendiquer une certaine empathie. Prenons l’exemple de Marianne (Valeria Bruni Tedeschi). Elle pourrait incarner la femme dite "hystérique". Pour éviter ce cliché et d’autres, j’ai essayé d’être dans l’hyper réalisme. L’hyper réalisme, c’est essayer de toucher parfois des choses contradictoires et complexes, même dans les silences. Nous avons beaucoup répété pour gagner en précision. Nous avons travaillé les hésitations, les absences d’hésitations qui em - pêchent parfois un personnage d’être fort. Pour ne pas tomber dans les clichés, il fallait travailler en profondeur. Je ne sais pas si c’est féminin, mais cela me ressemble. 

COMMENT AVEZ-VOUS CHOISI LES ACTRICES ? 
Le choix de Valeria a été tout sauf un hasard. Elle peut aller très loin dans les mélanges et les contrastes, parce qu’elle a en elle un bagage spécifique, une douleur, une fragilité, une émotion qui provoquent l’empathie. Elle peut aller vers l’in - supportable et en même temps elle est très drôle. Nora (Naidra Ayadi), c’est une femme en colère par rapport à beaucoup de choses. Anne Berest a vraiment apporté cette idée d’une fille qui a un bagage intellectuel énorme et qui rame. C’est fort et beau. Naidra a été une évidence, je la trouve brillante et grande actrice. Elle est rapide, vive d’esprit, elle fonce, avec une capacité à la colère, à l’émotion, à l’humour. Encore un mélange… Le personnage de Mathilde, j’ai eu beaucoup de mal à le trouver. J’ai dû voir toutes les actrices de France et de Navarre et quand Anaïs Demoustier a débarqué, j’avais un doute sur sa capacité comique. Mais en fait, elle est d’une drôlerie hallucinante. Mathilde n’a pas beaucoup d’ambition. Ce n’est pas qu’elle ne s’aime pas, mais elle se trouve fade. Tout de suite, je me suis dit que c’était une petite tortue qui marche dans Paris avec sa table de massage sur le dos. Je me suis demandé si Anaïs n’était pas trop jolie pour l’incarner, mais elle a apporté une complexité : ce qui se passe en elle est tellement profond que ça a du mal à émerger et à se voir. On la croit toute lisse, toute propre, mais ce n’est pas vrai. Elle se révèle sous la surface. Lou Roy-Lecollinet, elle, c’est comme une pépite. Cette fille sort des trucs, on ne sait même pas d’où ça vient ! Elle a un instinct exceptionnel. Elle ressemble à une vraie personne avant de ressembler à une actrice, avec une ciné - génie incroyable.

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