@Ciné "Marvin ou la belle éducation" le théâtre peut-il changer la vie ?




Marvin ou la belle éducation, la promotion sociale grâce au théâtre d’un enfant issu d’un milieu défavorisé

Synopsis
Martin Clément, né Marvin Bijou, a fui. Il a fui son petit village des Vosges. Il a fui sa famille, la tyrannie de son père, la résignation de sa mère. Il a fui l'intolérance et le rejet, les brimades auxquelles l'exposait tout ce qui faisait de lui un garçon «différent». Envers et contre tout, il s'est quand même trouvé des alliés. D'abord, Madeleine Clément, la principale du collège qui lui a fait découvrir le théâtre, et dont il empruntera le nom pour symbole de son salut. Et puis Abel Pinto, le modèle bienveillant qui l'encouragera à raconter sur scène toute son histoire.
Marvin devenu Martin va prendre tous les risques pour créer ce spectacle qui, au-delà du succès, achèvera de le transformer.

Note 2,5/5
Film intéressant avec un excellent casting. Il faut lire le livre dont il s’inspire.  

Critique
À l’origine de ce film, il y a  un roman autobiographique puissant : « En finir avec Eddy Bellegueule » d’Edouard Louis. Mais il ne s’agit pas d’une adaptation. Anne Fontaine (Nettoyage à sec, Gemma Bovery...) s’est emparée de l’histoire du héros du livre, lui réinvente un destin, et « explore la manière dont il allait se construire après un départ si difficile dans une famille socialement et culturellement déshéritée ».


Isabelle Huppert 

Une enfance difficile
A priori Marvin (le jeune Jules Poirier) n’est pas né sous une bonne étoile . Il grandit dans une famille dont l’ordinaire est fait de jurons, de télé omniprésente, où la culture est absente. Son père (Grégory Gadebois), la plupart du temps en sous-vêtements, participe activement à l’écoulement de la production vinicole, et a des avis bien tranchés : « les pédés, c’est terrible… c’est une maladie ». Sa mère (Catherine Salée) raconte sans gêne son premier accouchement « surprise » dans la cuvette des WC : « C’était trop gros pour que ça parte en tirant la chasse ». Cette famille est « même » capable de perdre le petit dernier pendant la fête de village.
Anne Fontaine force le trait comme si sa connaissance du prolétariat français venait directement des bandes dessinées de Reiser.
En plus, on dirait que Marvin sort d’une autre planète ; il est d’ailleurs un peu «observateur» de sa propre famille. Il a un visage d’ange et comme si sa beauté excitait leur cruauté, il est l’objet du sadisme de ses camarades de collège, ce qu’il subit avec stoïcisme.

L’accomplissement par le théâtre
C’est le théâtre, mais c’est d’abord « l’école de la République », sous la figure de la principale de son collège (Catherine Mouchet), qui arrache Marvin (Finnegan Oldfield interprète Marvin adulte) à son milieu et le conduit sur les scènes et dans le milieu théatral parisiens. Il peut aussi y assumer son homosexualité.

Le film fait des allers-retours entre l’univers d'enfance de Marvin et son univers d’adulte ;de celui de la misère sociale et intellectuelle, de la laideur physique, à celui de l’élite intellectuelle parisienne et du confort matériel.
Ce sont les scènes de Marvin adulte qui sont les plus inspirées, la réalisatrice connaissant sans doute bien mieux l’ambiance du milieu théatral. Très esthétisante, Anne Fontaine filme avec art les corps nus des hommes (remarquable plan d’un corps appuyé sur une échelle) et les scènes de théâtre.
On est moins convaincus par la promenade en jaguar dans Paris, scène « cliché », et les scènes dans lesquelles Marvin est sous l’emprise d’un « protecteur » (Charles Berling).
Isabelle Huppert (dans son propre rôle), Vincent Macaigne (rôle Abel Pinto), viennent compléter une excellente distribution.
On voit avec plaisir le film d’Anne Fontaine qui a inventé, avec talent, un destin de comédien à Edouard Louis. Le vrai destin d’Edouard Louis, n’en est pas moins intéressant et son livre est bouleversant. 

Auteur Bernard Gendreau

"Marvin ou la belle éducation" Drame français d'Anne Fontaine – Avec Finnegan Oldfield, Jules Porier, Grégory Gadebois, Vincent Macaigne, Catherine Salée, Catherine Mouchet, Isabelle Huppert et Charles Berling – Durée : 1h53 – sortie : 22 novembre 2017


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