« Photographier : c’est retenir son souffle quand toutes nos facultés convergent pour capter la réalité fuyante ; c’est alors que la saisie d’une image est une grande joie physique et intellectuelle. » HCB



©Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos



C'est la première grande retrospective européenne du grand photographe Cartier Bresson, 10 ans après sa mort. Et ca se passe à Paris.  Le Centre Pompidou consacre en effet une rétrospective inédite à l’œuvre d’Henri Cartier-Bresson, la première en Europe depuis la disparition de l’artiste.  Il invite le public à parcourir plus de soixante-dix ans d’une œuvre qui impose le photographe comme l’une des figures majeures de la modernité.
Henri Cartier-Bresson


L’exposition dévoile son œuvre, au-delà de « l’instant décisif » qui a longtemps suffit à qualifier son génie de la composition et son habileté à saisir le mouvement. Dix ans après sa mort et maintenant que les milliers de tirages laissés à la postérité ont été réunis par la fondation qui porte son nom, l’exposition invite à une véritable relecture de l’œuvre d’Henri Cartier-Bresson. Celui que l’on a surnommé « l’œil du siècle » fut l’un des grands témoins de notre histoire.
Photographe engagé ©Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos

La rétrospective du Centre Pompidou révèle toute la richesse de son travail et la diversité de son parcours de photographe, du Surréalisme à la guerre froide, en passant par la guerre d’Espagne, la Seconde Guerre mondiale et la décolonisation.

L’exposition présente les clichés iconiques du photographe et met aussi en lumière des images moins connues : elle réévalue certains reportages plus confidentiels, fait émerger des ensembles de peintures et de dessins et se penche sur les incursions d’Henri Cartier-Bresson dans le domaine du cinéma.



la naissance du désir ou l'attraction surréaliste de HCB
©Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos




L’attraction surréaliste : grand ami des surréalistes, HCB se prend au jeu de deformer les corps à loisir 
Par l’intermédiaire de René Crevel, rencontré chez Jacques-Émile Blanche, Cartier-Bresson commence à fréquenter les surréalistes vers 1926. « Trop timide et trop jeune pour prendre la parole », comme il le racontera plus tard, il assiste « en bout de table » à quelques réunions autour d’André Breton dans les cafés de la place Blanche. De ces fréquentations, il retiendra quelques motifs emblématiques
de l’imaginaire surréaliste : les objets empaquetés, les corps déformés, les rêveurs aux yeux clos, etc. Mais plus encore, c’est l’attitude surréaliste qui le marque : l’esprit subversif, le goût du jeu, la place laissée à l’inconscient, le plaisir de la déambulation urbaine, une certaine prédisposition à accueillir le hasard. Cartier-Bresson sera particulièrement sensible aux principes de la beauté convulsive énoncés par Breton et ne cessera de les mettre en œuvre au cours des années 1930. De ce point de vue-là, il est sans doute l’un des photographes les plus authentiquement surréalistes de sa génération.


accelerateur lineaire ©Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos




L’engagement militant
Comme la plupart de ses amis surréalistes, Cartier-Bresson partageait nombre des positions politiques des communistes : un farouche anticolonialisme, un engagement sans faille auprès des républicains espagnols et une profonde croyance dans la nécessité de « changer la vie ».  

derriere la gare saint lazare ©Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos



HCB, témoin insatiable de l’histoire, multiplie les clichés iconiques, des prostituées d’Alicante à la révolution chinoise, des congés payés en bord de Seine à Mai 68, éclaire le siècle de son regard fulgurant.


3. BIOGRAPHIE DE L’ARTISTE
Par Julie Jones
Tiré de l’Album de l’exposition

1908
Naissance d’Henri Cartier-Bresson le 22 août 1908 à Chanteloup-en-Brie (Seine-et-Marne) dans une famille de grands industriels du textile.
1926-1928
Vers 1926, René Crevel l’introduit auprès des surréalistes. Il assiste régulièrement aux réunions
du groupe dont les membres adhèrent alors au parti communiste. À l’automne, il intègre l’académie du peintre André Lhote, qu’il quitte début 1928.

1929
Il fréquente les Américains Harry et Caresse Crosby, installés en France depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Fondateurs des éditions Black Sun Press, ils publient James Joyce, Ernest Hemingway, Ezra Pound, mais aussi Paul Éluard et René Crevel. Chez eux, Cartier-Bresson retrouve André Breton, Max Ernst et Salvador Dalí. Il croise éditeurs, galeristes et collectionneurs américains : Eugene Jolas, Lincoln Kirstein, Monroe Wheeler et Julien Levy, qui vient d’acheter le fonds d’Eugène Atget. Les photographes amateurs Peter et Gretchen Powel l’initient aux innovations formelles de la Straight Photography américaine et à celles de la Nouvelle Vision européenne.
1930-1932
En octobre 1930, Cartier-Bresson s’embarque pour l’Afrique et gagne la Côte-d’Ivoire, le Cameroun,
le Togo puis le Soudan français. À son retour un an plus tard, il entreprend avec André Pieyre de Mandiargues un voyage en Europe de l’Est, puis, armé de son premier Leica, part en Italie.Charles Peignot publie quelques-unes de ses images dans Arts et métiers graphiques.

1933
Il fréquente l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR) à Paris. Il se rend à Alicante, Barcelone, Tolède, Madrid et au Maroc espagnol. Photographiant pour son propre plaisir, il réalise également ses premiers reportages pour la presse.Fin septembre, le galeriste new-yorkais Julien Levy lui consacre une exposition. Deux mois plus tard, c’est au tour du Club Ateneo à Madrid de présenter ses images.
1934
Il affirme son engagement populaire et militant en signant « Henri Cartier » jusqu’à la fin de la guerre.
En juin, il part au Mexique pour un an ; il y côtoie des artistes, écrivains et intellectuels communistes,
la plupart proches du Parti national révolutionnaire au pouvoir, tels que Guadalupe Marín, Langston Hughes, Andrés Henestrosa, et Manuel Álvarez Bravo.

1935
En mars, ses photographies sont exposées aux côtés de celles d’Álvarez Bravo au Palacio de Bellas Artes de Mexico. Il rejoint New York le mois suivant pour participer à l’exposition « Documentary and Anti-Graphic Photographs by Cartier-Bresson, Walker Evans & Álvarez Bravo » chez Julien Levy.Il se rapproche alors de Nykino, une coopérative de cinéastes militants ralliée aux idées politiques et esthétiques des Soviétiques. Par leur intermédiaire et grâce à Langston Hughes, il est sensibilisé au mouvement de la Renaissance d’Harlem.En mai-juin, il participe à l’exposition « Documents de la vie sociale », organisée par l’AEAR
à la Galerie de La Pléiade à Paris.Il privilégie progressivement le cinéma à la photographie.
1936-1939
Cartier-Bresson rencontre Jean Renoir. Celui-ci l’engage comme assistant sur La vie est à nous, film commandé par le parti communiste pour la campagne des élections législatives de mai 1936. Il collabore par la suite aux tournages de Partie de campagne (1936) et de La Règle du jeu (1939).Il travaille régulièrement pour la presse communiste.En mai 1937, il se marie avec la danseuse indonésienne Carolina Jeanne de Souza-Ijke, dite « Ratna Mohini » ou « Eli ».Membre de la coopérative Ciné-Liberté (la section film de l’AEAR), Cartier-Bresson réalise en 1937 un premier documentaire sur la guerre d’Espagne : Victoire de la vie, avec la collaboration de Herbert Kline, Jacques Lemare, Pierre Unik et Laurette Séjourné (Laura Séjour). Suivront deux autres films : With the Abraham Lincoln Brigade in Spain (1937) et L’Espagne vivra (1938).

10
1940-1945
Mobilisé, il rejoint l’unité « Film et photographie » de la 3e armée. Fait prisonnier le 23 juin 1940, il s’évade trois ans plus tard et rejoint avec l’aide d’Aragon un groupe de résistants communistes, futur Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD). Il en devient le représentant officiel au sein du Comité de libération du cinéma et est également chargé d’organiser un Comité de libération de la photographie de presse. En 1945, les services américains de l’Office of War Information et le MNPGD lui commandent un film sur le rapatriement des prisonniers (Le Retour).
1947
En février, sa première rétrospective ouvre au Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Elle est initiée par Monroe Wheeler, qu’il avait rencontré chez les Crosby. Quelques mois plus tard, Cartier-Bresson fonde la coopérative Magnum Photos aux côtés de Robert Capa, George Rodger, David Seymour (Chim)
et William Vandivert. Dès lors, ses reportages en noir et blanc ou en couleurs paraissent régulièrement dans Life, Holiday, Illustrated, Paris Match...En décembre, il arrive en Inde avec Eli, peu après la Déclaration d’indépendance.

1948-1949
Le 30 janvier 1948, il rencontre Gandhi, quelques heures avant son assassinat. Les photographies qu’il réalise lors des funérailles seront publiées par Life et feront le tour du monde.Le 3 décembre, Cartier-Bresson découvre Pékin au moment où l’Armée populaire de libération menée par Mao Zedong est sur le point
de renverser le gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-chek ; il y reste jusqu’en septembre 1949.

1952
Il publie son premier livre avec Tériade (éditions Verve) : Images à la sauvette. La version américaine paraît conjointement aux éditions Simon & Schuster sous le titre The Decisive Moment.
1954-1955
Danses à Bali paraît chez Robert Delpire, avec un texte d’Antonin Artaud.En juillet 1954, Cartier-Bresson arrive à Moscou. Il est le premier reporter occidental en URSS depuis 1947.L’année suivante, il participe à l’exposition « The Family of Man » organisée par Edward Steichen au MoMA de New York. Le Musée des arts décoratifs de Paris lui consacre une rétrospective. Avec Tériade, il publie Les Européens (1955).
1963-1965
Il se rend à Cuba peu de temps après la crise des missiles, puis passe quelques mois au Japon.
1966
Il rencontre la photographe Martine Franck, qu’il épouse en 1970.
1968-1974
Suite aux mutations survenues dans la société française lors des événements de Mai 1968, il entame en octobre un reportage sur ses compatriotes : Vive la France sera publié en 1970. À partir de 1974, il abandonne progressivement le reportage pour se consacrer au portrait et au paysage photographique, ainsi qu’à
la valorisation de son oeuvre. Il se remet au dessin.

1979
L’ouvrage Henri Cartier-Bresson : Photographe, publié chez Delpire, accompagne l’exposition itinérante éponyme.
1980
Le Musée d’art moderne de la Ville de Paris présente l’exposition « Henri Cartier-Bresson : 300 photographies de 1927 à 1980 ».
2003
La Bibliothèque nationale de France présente la rétrospective « De qui s’agit-il ? ». La Fondation Henri Cartier-Bresson est créée à Paris.
2004
Henri Cartier-Bresson s’éteint le 3 août à Montjustin, en Provence. 

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